Quel drôle de titre ? Pourquoi rapprocher Louis Archinard, « commandant supérieur du Soudan français », un titre acquis à la suite de plusieurs campagnes militaires menées entre 1880 et 1884, dans le cadre de l’expansion coloniale française le long du fleuve Niger et Charles-Alexandre Lesueur, naturaliste et surtout artiste connu notamment pour ses dessins lors de l'expédition Baudin ?
Simplement parce qu'une partie des collectes du premier et un nombre très important de dessins du second sont conservés au muséum d'histoire naturelle du Havre. Tous les deux étant des enfants de cette ville.
J'étais récemment au Havre pour trois conférences que je donnais dans le cadre de l'AMAM, les Amis du musée d'art moderne André Malraux. Je souhaitais en profiter pour revoir le muséum mais il était fermé pour cause de rénovation. Une réhabilitation du bâtiment ainsi qu'une transformation des espaces d’exposition sont à l'oeuvre depuis 2017 pour une réouverture prévue en 2025.
La collection des dessins de Charles Lesueur devraient constituer "la colonne vertébrale du musée" en ce qui concerne l'ethnographie. N'oublions pas de mentionner Nicolas-Martin Petit, l'"assistant-dessinateur" qui signe bon nombre de dessins, et notamment ceux attachés aux aborigènes australiens et plus généralement aux populations qu'il rencontre.
Mais qu'en sera-t-il de la collection Archinard ? Le musée est actuellement en train d'identifier les origines et provenances de cette collection. Quel avenir pour ces objets ?
On sait qu'Archinard a amassé un important butin de guerre constitué à Ségou lors d'une attaque de la ville, après qu'il soit revenu en Afrique en 1888 ; c'était en avril 1890. Les biens familiaux personnels, des manuscrits, des bijoux ou encore le sabre d’El Hadj Omar, fondateur de l'empire toucouleur, ont été alors saisis.
Envoyés en France par Archinard, ils y furent présentés comme des trophées. Cette prise de guerre est connue sous le nom de "Trésor de Ségou".
Les objets de ce butin se trouvent actuellement dispersés dans différentes institutions françaises : le musée du Quai Branly- Jacques Chirac, le musée de l’Armée, la Bibliothèque nationale de France et le museum du Havre.
Souhaitons revoir les objets "pillés" à Ségou, au Havre ou à Paris, au Mali ou au Sénégal, mais surtout pas enfermés pour l'éternité au fonds d'une cave par faute d'avoir été "mal-acquis" !
Photo 1 : Statue Bamana, Mali, collecte du Général Archinard, N°2008.4.211, Museum du Havre.
Photo 2 Le Naturaliste et le Géographe en mer, dessin de Charles Alexandre Lesueur.
Photo 3 : le sabre dit d’El Hadj Oumar Tall © T.D.R.
Photo 4 : Tambour d’Ahmadou Tall N° 2008.4.382, Museum du Havre
Notice du musée : " Ce tambour est l’un des objets les mieux renseignés de la collection africaine du Muséum.
Le journal personnel du Général havrais Louis Archinard rapporte que ce tabala a résonné sans interruption pendant la bataille d’Ouossébougou, les 25 et 26 avril 1890. Cette bataille confrontait les Français aux troupes toucouleures, réfugiées dans cette ville fortifiée du désert après la prise de leur capitale, Ségou, vingt jours plus tôt. Le tambour fut trouvé dans la citadelle et offert à Archinard par ses alliés Bamana après la prise de la forteresse. La peau du tambour a volontairement été fendue afin d’empêcher qu’il ne résonne à nouveau, signe de victoire de l’armée française.
Le Général Archinard plaça lui-même ce tambour dans une vitrine du Muséum en 1929".