Modigliani explique cela et fait une description détaillée du dessin (p.311, trad. Deepl) :
"Réalisé en grès grisâtre, il (le siège d’honneur) représente un torse humain revêtu des différents insignes d'un guerrier Nías. On ne voit ni le visage ni aucune tentative de le reproduire et le casque saillant est soutenu par deux grandes dents qui surgissent à la base du cou. Sur la poitrine, collés à ces dents, sont modelés deux calabubu, les colliers d'honneur que tout Nías est fier de porter autour du cou, et, à l'intérieur, des bas-reliefs représentent des boucles d'oreilles ou de simples ornements allégoriques. Parmi les bras, seul le droit montre le bracelet porté par les hommes du poing. Tous deux dépassent ensuite du buste en tenant un mousquet dans chaque main et forment les bras latéraux du siège. Le dossier est orné d'un splendide relief représentant un crocodile qui, la tête posée sur le casque, les pattes étendues sur le dos et la queue agrippée au côté gauche de la base, semble grimper difficilement derrière ce trône artistique.
Je dois à l'amabilité du célèbre voyageur von Rosenberg , qui m'a communiqué un dessin inédit de ce trône, pour pouvoir le représenter ici. Malheureusement, ce monument d'une valeur considérable est tombé lors de son transport de l'ancien au nouveau village et s'est brisé au sommet, de sorte que lorsque je l'ai vu, il lui manquait les ornements les plus importants, ceux de la région de la tête… On m'a dit qu'il serait réparé, mais il s'est déjà écoulé de nombreuses années après la rupture sans qu'il soit réparé, et il est probable qu'il s'écoulera encore de nombreuses années avant qu'ils ne se décident à le faire..."
Mais le siège a été réparé !
Vingt ans après , c'est grâce à une expédition suisse que nous allons retrouver une photographie du siège d'honneur. Dans l'ouvrage Nias / Die Insel der Götzen: Bilder aus dem westlichen Insulind publié en 1929, la planche 23 suivante témoigne d'un siège relativement en bon état :
Cinquante ans après, en 1976, c'est Stéphane Barbier qui passe à Hilisimaetano et photographie le fameux siège :
Le temps et la négligence des hommes ont fait leur oeuvre et on ne distingue plus rien de cette tête monstrueuse qui faisait son originalité !
Jean-Paul Barbier dans Un monument en pierre de l'île de Nias (MEG, bulletin 19, 1976) s'étonne que de tels sièges n'aient pas été retrouvés dans d'autres villages, logiquement réalisés pour un grand chef lors des fêtes d'Owasa, et pose la question de savoir s'ils étaient réemployés. Certes, il existe des bancs de pierre et des tabourets monolithiques ajourés mais très peu de "trônes" de la sorte.
Alors en 2024, qu'est-il devenu ?
De face, le "personnage" a perdu ses "ailettes" sur lesquelles reposaient les pattes avant du crocodile. Les seules traces de l'ancien temps qui demeurent sont la marque des kalabubu et du fusil tenu encore fermement par une main gauche toujours vigoureuse.
Photos 1, 2 et 3 : Hilisimaetano, photo de l'autrice août 2024
Photo 4 : Dessin du siège d'Hilisimaetano in Modigliani, Un viaggio a Nias, dessin de Von Rosenberg
Photo 5 : Siège d'Hilisimaetano © E. E. W. Schröder, entre 1904 et 1909.
Photo 6 : Siège d'Hilisimaetano © Otto Wirz entre 1924 et 1927.
Photo 7 : Siège d'Hilisimaetano © Stéphane Barbier, 1976.
Photos 8, 9 : Siège d'Hilisimaetano photo de l'autrice, août 2024.