Dernier acte pour
la Fondation Cartier à Raspail avant
son transfert pour le Louvre des Antiquaires cet automne. Paradoxalement, l'exposition choisie laisse une première impression de perplexité. Pour cette ultime révérence, allait-on voir les espaces engloutis sous d'imposantes tapisseries de laine, occcultées par des murs de bandes rectangulaires monochromes, de différentes longueurs et épaisseurs, cousues sur un support de coton évoquant des murs en briques, comme le maîtrise
Olga de Amaral ?

Il n'en est rien. Sous les doigts de l'artiste, des paysages de lumière émergent, chaque oeuvre renfermant un monde qu'Olga nous enjoint de découvrir comme autant de territoires de son pays ou d'ailleurs. Ses mains nous guident sur ce que nous imaginons être de gigantesques
quipus (ces ensembles de cordelettes et de nœuds utilisées les civilisations andines) remontant la mémoire des anciens.
On a beaucoup parlé des amas de feuilles du Murs rouge où l'automne a laissé sa trace, des jeux d'ombre et de lumière se prolongeant sur les parois de verre et sur le jardin à travers les
Brumas.

Mais c'est au sous-sol que j'ai trouvé mon chemin, celui qui m'appelait à travers le paysage, comme si des êtres mythiques, à l'instar des êtres du temps du Rêve en terres australiennes, avaient laissé les empreintes que je devais suivre. Mais ici, c'est d'un autre continent dont il est question, celui des filons d'or et des mines de charbon, des vestiges archéologiques des grands empires précolombiens...

Ici se mêlent la terre et le ciel tous deux embrassés dans leurs immensités. Sur telle oeuvre on se plait à discerner des pétroglyphes, des fossiles, sur d'autres des géoglyphes Nazca...On comprend qu'il y a quelques décennies, Olga de Amaral ait pu être fascinée par le Land Art.

Mais cette femme est avant tout une tisseuse experte, elle connait la matière qu'elle façonne. C'est une alchimiste qui nous conduit vers le spirituel tout en restant profondément enracinée dans la terre. Ainsi en est-il de ces stèles, totems mystérieux ou emblèmes du sacré qui puisent leur énergie à la fois de la terre nourricière et du cosmos infini.

Photos de l'autrice à la Fondation Cartier, février 2025.