Je souhaite laisser aujourd’hui la parole à un de mes amis, Joseph Landry, étudiant Camerounais en Histoire de l’Art
Le génie négro-africain est de transformer l'objet en signes, en symboles qui ne sont lisibles comme toutes les autres formes d'écritures que par des initiés. L'art africain a créé un langage qu'il est possible de nos jours de déchiffrer grâce aux études faites sur les peuples d’Afrique.
En effet, parce que l’homme est hanté par ce mystère qu'est la mort, la mission des initiations est d'assurer le triomphe de la vie sur elle.
C'est ce qui explique la présence en Afrique des mythes d'origine répétant la même vérité : À l’origine de la mort se situe la désobéissance de l'homme face à son créateur.
Pour la transcender, les Africains instaurèrent les rites d'initiation qui consistent à faire passer l'enfant par le caveau de la mort pour retrouver la vraie vie. Cette nostalgie de la vie toujours fugitive, toujours à conquérir, toujours menacée nous la retrouvons à travers les oeuvres d'art. Cet art ne cite pas seulement le drame de la vie aux prises avec la mort. Il décrit la structure de l'homme à la lumière de ce drame; homme divisé, personne à double dimension homme et femme.
À la lecture de l'art africain, nous constatons qu'il exprime le monde (cosmologie) et l'homme (anthropologie).
Son mérite est d'intégrer l'homme dans son monde en lui donnant les moyens de participer à son destin, un destin apparaissant sous le signe de la division et de la lutte entre la vie et la mort.
De ce fait, l'art nègre raconte l'histoire de l'Afrique noire dans sa diversité; une diversité qui est un élément constitutif de son unité culturelle.
Il peut servir à la compréhension des "institutions" politiques car on y lit l'organisation de la société et sa hiérarchisation, ses dynasties, ses finances, sa monnaie, ses échanges et les relations entre différents royaumes. On n'y raconte pas seulement des batailles, on y étudie la structure même des armées, des soldats voire les tactiques utilisées autrefois.
L'art africain nous renseigne sur les travaux, les scènes de vie et de marchés, les chasses royales et un peu partout les jeux, les danses, ou les lamentations sur les morts de la tribu.
À travers lui, on peut reconstituer les techniques agricoles, la fonctionnalité des objets et des sociétés.
Il s’agit également d’un livre liturgique dont la mission est de transformer le monde en l'associant au destin de l'homme épiloguant ainsi comme le faisaient les poètes romantiques français sur la Nature au sein de laquelle l'homme joue la mélodie de son destin.
L'art africain habille l'homme de richesses de la création devenues symboles portant ainsi par les rites et ses oeuvres d'art, la voix de tout le cosmos humanisé.
Le masque, visage universel de tous les êtres vivants est un vêtement liturgique que la parure et la musique viennent renchérir. La danse les hisse au triomphe de la vie sur la mort.
L’histoire négro-africaine est écrite en oeuvres d'art comme celle des Bamoum au Cameroun ou du Dahomey, en lignes de vie dans les bas-relief ou encore celle des Luba, Kuba à travers la statuaire et la parure.
Il n'est donc plus vrai de dire que l'histoire négro-africaine manque de documents écrits.
Ce qui est vrai, c'est que très souvent nous sommes analphabètes devant son écriture dont le déchiffrement ouvrirait totalement ce continent vers
un Occident curieux de le connaître.