Depuis quelque temps, je suis partie des côtes du Sénégal, quittant les Diola, pour le Mali.
Sur le chemin, près de Mopti, émerveillement devant les terres cuites de Djenné Djeno et questions sur cette civilisation médiévale mystérieuse...
Ma progression m'emmène inexorablement vers le pays Dogon.
C'est L'Afrique fantôme de M. Leiris qui m'accompagne dans ce cheminement...et "nous" voilà arrivés en haut de la falaise, à Sangha.
19 mai 1931 : La mission ethnographique et linguistique organisée par l'Institut d'Ethnologie de Paris vient d'embarquer à Bordeaux.
Marcel Griaule est à la tête de cette mission de terrain qui traversera les empires coloniaux français et anglais de l'époque et se terminera en 1933.
À son retour, l'équipe rapporte une collecte impressionnante d'objets qui conduira à la réouverture du Musée de l'Homme en 1937.
La mission séjourne 2 mois à Sangha à l'automne 1931 afin d'étudier la culture Dogon.
Michel Leiris est du voyage, "secrétaire" de Marcel Griaule. Il tient son "journal de voyage" (oeuvre ethnographique et autobiographique), célèbre sous le titre de L'Afrique fantôme.
Oeuvre inclassable...Michel Leiris note les évènements, petits ou grands, ses rêves, ses surprises, sa joie, son ennui....
Lettre du 19 Septembre 1931 :
« …Tout ce que je fais m’intéresse toujours beaucoup, mais je trouve quand même le temps bien long et ne puis jamais me passionner que momentanément pour mon travail, d’autant plus que les méthodes employées pour l’enquête ressemblent beaucoup plus à des interrogatoires de juge d’instruction qu’à des conversations sur un plan amical, et que les méthodes de collecte des objets sont, neuf fois sur dix, des méthodes d’achat forcé, pour ne pas dire de réquisition.
Tout cela jette une certaine ombre sur ma vie et je n’ai la conscience qu’à demi-tranquille.
Autant des aventures comme celles des enlèvements du kono, tout compte fait, me laissent sans remords, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen d’avoir de tels objets et que le sacrilège lui-même est un élément assez grandiose, autant les achats courants me laissent perplexe, car j’ai bien l’impression qu’on tourne dans un cercle vicieux : on pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer; c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes qui iront eux aussi les « aimer et les piller »…
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