Moins séduisants que les masques du Ntomo, et bien plus effrayants; les masques de la société du Komo appartiennent à un tout autre registre et ne peuvent nous laisser indifférents.
Ces WARAKUN sont conservés dans un bosquet sacré à l’abri des regards des non-initiés car ces objets sont véritablement des reposoirs de cette force active qu’est le nyama (énergie vitale, dont on a vu l'importance aux yeux des Dogon).
Sur ce masque, on verse ainsi le sang du poulet sacrifié ou tout autre offrande liquide afin d'activer et de pouvoir transmettre cette force.
La société du Komo a longtemps assuré des fonctions importantes, impliquée dans tous les évènements importants de la vie d’un homme.
Les sections de cette société agissent même comme instances judiciaires, comme forces de police.
Elles offrent aussi aux initiés une protection contre la maladie, la sorcellerie.
Le Komo est également reconnu pour ses compétences en matière de divination.
Ses réunions prennent le plus souvent la forme d’une sortie de masques sur fond sonore de percussions, de flûtes, de trombes…
La musique joue ici un rôle important et dans le même temps, les danseurs prononcent des paroles retranscrites aux spectateurs par l'intermédiaire des griots.
Portant d’énormes costumes, les danseurs se livrent néanmoins à toutes sortes d’acrobaties, ils crachent du feu, chargent la foule….
La procédure initiatique est violente et les novices sont soumis à des épreuves physiques et morales très dures.
Les masques du Komo présentent tous une longue mâchoire, des cornes, des poils de phacochère, des aiguilles de porc-épic…
Ces masques ne sont pas sans nous rappeler les masques Kponyugo
(ou Kponyungo)
chez les Senoufo, peuple du Nord de la Côte d'Ivoire mais aussi implanté au sud ouest du Burkina Faso et au sud du Mali.
Quant à la société du Kono (la 4ème; il n'y a pas de masque particulier pour le Nama, la 3ème société), elle est mal connue.
Elle n’existe plus aujourd’hui.
On sait néanmoins que sa fonction principale était sociale (favoriser la fécondité, la fertilité des terres, résoudre les conflits…).
Les masques du Kono sont plus stylisés et plus dépouillés que ceux du Komo.
L’importance du front est la marque de la connaissance, la grandeur des oreilles dénote l’acuité auditive de la hyène.
Cette dernière constitue une référence importante aux yeux des Bamana, admirée pour sa force et sa ruse.
Elle est l'animal "totémique" de la société la plus importante, celle du Koré.
Contrairement à nos préjugés sur cet animal, les Bamana y voit un animal "civilisateur".
Enfin, la forte mâchoire ouverte de ces masques semble désigner la puissance de la parole.
Nécessité est grande de savoir l'utiliser avec sagesse.
Photo 4 : ©Musée Dapper - Mario Carrieri
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"Ces WARAKUN sont conservés dans un bosquet sacré à l’abri des regards des non-initiés".
J'aime cette idée que l'on puisse soustraire du regard certains objets pour des raisons variées, d'ailleurs. Ceci peut relever de la tradition, de l'usage, de la règle partagée ou bien tout simplement de la fantaisie; et pourquoi pas de la pratique artistique ?
Je continue à avoir de la tendresse et une certaine fascination pour cette petite oeuvre d'art intitulée "À bruit secret" fabriquée par Marcel Duchamp et qui est tout simplement une pelote de ficelle entre deux plaques de cuivre réunies par quatre longs boulons. À l'intérieur de la pelote de ficelle, Walter Arensberg ajouta secrètement un petit objet qui produit un bruit quand on le secoue. Et à ce jour , dira Marcel Duchamp, ne sais pas ce dont il s'agit, pas plus que personne d'ailleurs.
Je fréquente avec autant de plaisir votre très beau blog.
Rédigé par : Holbein | 23 mars 2006 à 11:55
L'idée que vous développez est bien séduisante. Dans le cas des masques et de l'initiation c'est bien de pouvoir dont il s'agit. Les anciens, les initiés ont le pouvoir, pas les autres tel est le sens du "soustraire"..Effectivement, je ne parviens pas à trouver d'autres champs que ceux de la création artistique, où soustraire délibérément quelque chose (de matériel ou d'immatériel) aux autres ne relèvent pas de l'exercice d'un certain pouvoir...qu'en pensez-vous?
(J'ai regardé avec intérêt:A bruit secret).
Rédigé par : lyliana | 24 mars 2006 à 16:43
Oui, je pense comme vous : le regard entretient des rapports forts et intimes avec ce qui relève du pouvoir. Toutes les références qui me viennent sont liées aux arts plastiques (aussi bien aux représentations de scènes mythologiques que de pièces contemporaines dans le domaine de la création vidéo). Ce thème me paraît riche et vraiment intéressant.
Voir et pouvoir ; regarder et posséder...
Rédigé par : holbein | 25 mars 2006 à 00:27
Merci pour ce billet très intéressant!
Rédigé par : Animaux | 09 avril 2013 à 02:59