Suite de la note Les ivoires Afro-Portugais sur l'évolution du regard sur les arts africains, précolombiens...
Tentative d'histoire en raccourci...pour vous donner le goût d'en savoir plus...
Le courant humanisme du XVIème siècle semble présager des prémisses d'un regard ethnologique et au XVIIème siècle, grand nombre d'objets seront collectés et exposés dans les cabinets de curiosités.
À mon sens, il faut garder à l'esprit que l'acquisition d'oeuvres demeure tributaire à la fois du goût et de la perception chaque fois différente du monde que nous avons; et cela sera parfaitement illustré dans les siècles qui vont suivre.
À la fin du XVème siècle, les premiers studioli dans les palais des Princes apparaissent en Italie du Nord. À Florence, on sait par exemple, que les Médicis étaient de grands collectionneurs de coquillages...
«Se procurer rapidement, facilement et sans danger une vraie et singulière connaissance du monde ainsi qu'une sagesse admirable», tel pourrait être le programme des cabinets de curiosités.
À partir de 1550, l'Allemagne, découvre la «Kunst und Wunderkammer», chambre d'art et de merveilles. Le «curieux» du XVIème siècle évolue à l’aise, se tournant indistinctement vers les monstruosités de la nature que vers les objets précieux. Cet engouement pour les choses de la nature qui réunit tant les collections minérales, qu’animales et végétales, semble être le reflet d’un monde fait à la mesure de l’homme.
Au XVIIème siècle, la curiosité fera place à une tentative d’organisation du monde, à sa classification et à une volonté de connaissance.
On pourra lire avec intérêt : Définitions, études et surtout contempler des images sur le site consacré aux cabinets de curiosités.
Mais que dire de la présence d'objets africains dans ces collections ?
En fait, il n'y avait pas beaucoup d'oeuvres traditionnelles africaines en Europe à l'époque.
On pouvait certes admirer des objets destinés à la table des cours princières et des olifants; c'est-à-dire des «ivoires» de commande essentiellement exécutés par des artisans Sherbro de Sierra Leone ou du Bénin.
D'autres objets arrivèrent au cours du XVIème siècle en Europe, des crucifix en cuivre ou en bronze. Il s'agissait d'imiter des crucifix européens importés par les missionnaires de l'ex-royaume du Kongo.
Mais en ce qui les oeuvres traditionnelles africaines, peu d'objets.
Il semble que les plus anciennes sculptures en ivoire aient appartenu à la collection Weickmann (dont on peut voir des oeuvres au Musée d'Ulm).
Il y avait ce plateau de divination Ifa, des bracelets Yoruba.
On sait qu'il existait des sculptures de pierre originaires du Kongo, gardiens de nécropole réservée aux notables et certaines statuettes Yoruba.
On trouvait dans quelques cabinets des masques d'or, d'ivoire et de bronze, essentiellement sous la forme de pendentifs.
Il semblerait aussi que les ivoires que collectaient les Européens étaient toujours accompagnés de nattes et paniers en fibre de raphia, (On m'a précisé (cf. commentaire ci-dessous) qu'il s'agissait de tissus en raphia du Kongo) et que l'Europe connaissait les velours du Kasaï.
(Ainsi que je l'ai écrit dans mon article sur les velours du Kasaï et comme me le précise de nouveau le commentaire d'Alessandra; il semble bien que ces velours ne soient pas antérieurs au XIXème siècle; il s'agirait donc des textiles Kongo et non pas de velours du Kasaï)
Au XVIIème, dans les milieux parisiens, le cabinet prend valeur de symbole, il semble être «l’ornement obligé de toute demeure galante »... mais l'on n'y admire pas vraiment d'objets africains dont on se méfie d'un probable caractère maléfique.
De plus, les XVIIème et XVIIIème siècles vont s'ouvrir avec passion à la Perse, à la Turquie et à la Chine.
On reconnaîtra aux orientaux une culture et une intelligence dignes d’être confrontées à la nôtre… ce n’était peut-être pas le cas pour l’Afrique....
N'oublions pas que pendant plus de quatre siècles (du XVème au XIXème siècle), l'Afrique est le continent de la traite des Noirs et que "la marchandise" recherchée par les Occidentaux est le bois d'ébène !!
Et si le XVIIIème voit le développement des grandes expéditions scientifiques dont le but sera précisément la collecte d'objets (les expéditions de Cook, Bougainville et La Pérouse en sont de magnifiques exemples)... celles-ci prendront la direction du Pacifique !
(Pour ceux que cela passionne, on pourra écouter avec intérêt "Que découvrir après Cook et Bougainville?" et bien d'autres documents sonores sur les voyages de découverte sur le lien Documents sonores du CRLV)
Ce n'est qu'au milieu du XIXème siècle qu'on commencera à ébaucher des hypothèses sur les fonctionnements des sociétés, pensant qu'elles se bâtissaient en passant d'un stade à un autre. Dès lors, à la fin du XIXème siècle, des musées d'ethnographie vont se construire en peu partout afin de collecter, classer les objets de sociétés vouées à disparaître...
Mais avant de parler des musées d'ethnographie, un évènement important pour l'histoire des collections : En 1897, le pillage de Bénin- City...
nb : Depuis un moment déjà, je me documente sur la présence des objets africains dans les cabinets de curiosités au XVI° et XVII° siècle. Mais les études existantes portent sur les Ivoires afro-portugais et il semble difficile de mener une enquête plus précise sur d'autres objets... (à moins d'y consacrer le temps d'une thèse !!). En ce sens mon billet est forcément lacunaire et tout renseignement pour le compléter est le bienvenu.