Poursuite de notre découverte des différentes morphologies des effigies Songye !
Les yeux globuleux et saillants de cette première statue lui confèrent un regard particulièrement puissant. La présence de la corne chargée, d'une longue tresse probablement en peau d'animal, l'empilement de colliers de perles, la longue jupe ornée d'amulettes; tout contribue à la force de la sculpture.
Elle porte (mais on le distingue mal) une petite statue sous sa main droite, elle aussi, au ventre gonflé et à la fontanelle ouverte qui laissent percevoir la charge d'ingrédients magiques.
Alors que celle-ci nous regarde d'un regard presque vitreux, myope; la présence des cauris étant évidemment la cause de cet effet.
Ne nous y trompons pas, les cauris sont toujours signes de puissance.
C'est plutôt par sa bouche, aux dents apparentes, que l'on pense percevoir le message si ce n'est le cri. Regard/Parole.. tout est mobilisé pour cet échange avec l'invisible. Dialogue cependant muet pour nous; imprégnés de sentiments mêlés d'effroi et de séduction. Peut-être ce personnage rit-il simplement et sa bonne humeur pourrait-elle être communicative si... il n'y avait le contexte!!
Ce que cette statue a évidemment de plus remarquable, c'est le travail sur ce grand cou annelé. Plus de zone ombilicale visible, plus de bras et de mains posées sur le ventre; mais la charge active se cache bien sous ce bout de tissu.
Et dans cette grande statue "poteau", n'imagine-t-on pas aisément le tronc d'arbre dont elle a été issue qui lui confère force et stabilité, dignes de la représentation ancestrale?
Au sujet de ces abdomens lourds, gonflés et pesants; Anne Retel-Laurentin (in Sorcellerie et ordalies) écrivait qu'ils évoquaient à la fois l'univers des sorciers, ceux qui «mangent» les âmes des autres et à la fois celui des «anti-sorciers», ceux qui extirpent la sorcellerie du ventre.
Si effectivement le nganga mobilise les énergies cosmiques à partir de ces statues; on peut y voir aussi, plus sereinement, l'omniprésence de l'ancêtre qui veille sur son clan...plutôt qu'un sorcier bien repu !
nb : Les 3 effigies représentées dans cette note appartiennent respectivement aux styles de la région de Tshofa, au style au cou annelé (là encore, vous l'auriez deviné) et au style...«poteau» dans la typologie de la statuaire Songye.
Photo 1 : ©Ethnografisch Museum Anvers
Photos 2 et 3 : ©Dick Beaulieu
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