Fin du « mini » parcours historique sur l’évolution du regard de l’homme occidental sur les objets des sociétés traditionnelles, sur ce que j’appelle Arts lointains (je le sais, terme impropre), sur ce que presque tout le monde s’accorde à appeler Arts Primitifs...
Une petite note sur un sujet qui a fait l’objet de dizaines de livres et couler beaucoup d'encre (lorsqu'il s'est agi d'étudier le Primitivisme) : La présence d'objets africains dans les ateliers d’artistes du début du XXème siècle.
Paul Gauguin passe les années 1891 à 1903 à Tahiti puis aux Marquises. Il ne s’intéresse donc pas directement aux sculptures africaines mais est marqué par les sculptures Maori. En s’appropriant d'une certaine façon la sculpture ci-dessus, en l'exposant, il apporte l'un des premiers témoignages de l’intérêt d’un grand peintre de l’époque pour la statuaire africaine.
Au tout début du siècle, André Derain s'enthousiasme pour des objets vus dans les salles du Musée du Trocadéro.
Il convainc Maurice de Vlaminck de lui vendre ce masque blanc. Nous sommes en 1906.
Il accrochera ce masque Fang au mur de son atelier et selon Vlaminck, « quand Picasso et Matisse le virent chez Derain, ils furent eux-aussi, retournés.
Dès ce jour, ce fut la chasse à l’Art Nègre ».
(in Afrique, aux origines de l'art moderne (Ezio Bassani), article de Jean-Louis Paudrat).
Début 1907, on connaît l'épisode célèbre :
À l'instigation de Matisse, Picasso se rend au Musée d'Ethnographie et découvre ce « musée affreux ».
Dès lors, on le sait, un engouement, une fascination de la part d' artistes (pas encore du grand public) pour l'Art Nègre; la course à Marseille où l'on peut se procurer des «nègres» chez les brocanteurs... l'importance des premiers marchands: Paul Guillaume; Joseph Brummer... l'influence d'Apollinaire qui est l'un des premiers à parler de « grands artistes anonymes » au sujet des créateurs de ces objets africains... aux USA, la galerie du photographe Alfred Stieglitz qui organise fin 1914 une exposition Braque-Picasso et qui donne à voir des objets africains... je vous l'ai dit, on en écrirait (et on en a écrit) des pages et des pages...et je fais un peu court.
Car pour ma part, le voyage dans le temps s'arrête là (pour le moment).
À la veille de l'ouverture du Musée du Quai Branly, je souhaitais simplement donner un aperçu de ce qu'avait pu être le parcours des objets africains dans nos mentalités: Une quadruple-quintuple découverte :
«Objets de curiosités», «échantillons ethnographiques», «objets d'art», «objets témoins» (évoqués par exemple dans la Mission Dakar-Djibouti), et «chefs-d'oeuvre»...
Quel sera le parti pris du Musée du Quai Branly dans la présentation de ces «chefs-d'oeuvre» ? Réponse le 23 juin.
On pourra lire (entre autres) avec grand intérêt le livre de Sally Price : «Arts primitifs; regards civilisés»; certes de 1989 mais très actuel et passionnant.
... Et le billet très documenté Histoire d'une rencontre que vient de publier un nouveau blog KANAGA.
Si vous avez manqué les précédents épisodes de mon blog :
Les ivoires Afro-Portugais.
Cabinets de curiosités et objets africains.
Bénin City : 1897.
Le Musée royal de l’Afrique centrale - Tervuren.
Photo 1 : © Musée national d'Art moderne, Centre G. Pompidou
Photo 2 : in Afrique aux origines de l'art moderne - © Collection Felix/© 2004 Artificio srl, Firenze - Skira Edit.
Photo 3 : © CNAC/MNAM, Distr. RMN
Photo 4 : © Archives Geneviève Taillade
Photo 5 : © Kunstmuseum Bern, Hermann und Margrit Rupf-Stiftung