Association de lectures, association de pensées, en «avançant» vers la région peuplée par les Lega, j'ai revu les images de Marlow remontant le fleuve Congo à la recherche de Kurtz, dans le roman de Joseph Conrad.
Publié en 1902, Heart of Darkness, comme d'autres romans de cette époque, insiste sur les terreurs dont les «primitifs» sont la proie.
La maîtresse noire de Kurtz, créature vitale et porteuse de mort, devient la métaphore du coeur de l'Afrique tel qu'on pouvait se l'imaginer alors.
Conrad écrit :
«Nous nous sommes encore arrêtés dans des endroits aux noms grotesques où la joyeuse ronde de la mort et du commerce se poursuit dans une atmosphère torride et terreuse comme celle d'une catacombe surchauffée, et toujours cette côte informe et son ressac dangereux comme si la nature elle-même avait tenté de repousser les intrus; et ces fleuves que nous avons pris et quittés : courant de mort dans la vie dont les berges tombaient en boue, dont les eaux alourdies de vase envahissaient les palétuviers tourmentés qui semblaient se tordre vers nous sous l'emprise d'un désespoir extrême et impuissant...
Remonter ce fleuve, ce fut comme remonter jusqu'aux tous débuts du monde, à l'époque où la végétation envahissait toute la terre et où les grands arbres étaient rois. Nous pénétrâmes toujours plus avant dans le coeur des ténèbres. Un grand calme y régnait. Parfois, la nuit, un roulement de tam-tams derrière le rideau des arbres remontait le fleuve et l'écho assourdi continuait à planer très loin au-dessus de nos têtes, jusqu'aux premières lueurs du jour...
La terre n'était plus la terre. Elle nous offre habituellement le spectacle d'un monstre entravé et vaincu, mais là-bas elle restait monstrueuse et libre. Ce n'était plus la terre et les hommes... Non, ils n'étaient pas inhumains. Eh bien, c'était ça le pire, finalement : qu'ils ne soient pas, en fait, inhumains... ce qui vous faisait frémir c'était justement l'idée de leur humanité, semblable à la vôtre, l'idée de votre parenté, même lointaine...»
Trad : Cath. Pappo-Musard.
Photo 1 : © Smithsonian Archives.
Photos 2, 4 : © E. Elisofon; Smithsonian.
Photo 3 : © Daniel P. Biebuyck.
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Connais tu l'ouvrage de JAN CZEKANOWSKI
"Carnets de route au coeur de l'afrique"
Des sources du nil auu Congo?
j'avance sur le Vaudou publication demain
Rédigé par : yvan | 28 juin 2006 à 13:33
tro bien diraient mes enfants!
Moi je voulais vous dire Bravo. Ce que vous réalisez avec votre blog,et que généreusement vous nous proposez est superbe.
Je suis béate d'admiration.
Je ne vous quitte plus
Rédigé par : nicole | 28 juin 2006 à 14:17
merci pour ce beau billet...
Tendres pensées
Elisanne
Rédigé par : double je | 28 juin 2006 à 14:34
et quand les ténébres tournent en Apocalypse Now, c'est un voyage dans la guerre à laquelle les humains excellent et vers notre archaïsme que nous croyons parfois, avec sottise et arrogance, avoir effacé alors qu'il est notre identité la plus précieuse.
Belles réflexions sur le film de Francis Ford Coppola (1979) sur Objectif-cinema
Merci pour ce billet à la lumière de Conrad!
Rédigé par : Ch | 01 juillet 2006 à 17:24
C'est effectivement un film extraordinaire.
Je me suis permis d'insérer un lien dans votre commentaire vers le point de vue d'Objectif Cinéma sur le film (version 2001).
(Les commentaires acceptent le html).
Merci pour ce rappel.
Bon week end.
Rédigé par : Lyliana | 01 juillet 2006 à 18:43