« Dédommager le désir » est le titre pour le moins énigmatique d'un article de Monique Jeudy-Ballini qui a travaillé, entre autres, sur le peuple Sulka vivant sur l'île de
Nouvelle-Bretagne (au Sud-est de la Papouasie-Nouvelle Guinée).
Elle explique que la danse du masque Hemlout est la manifestation de l'ancestralité.
Sa beauté, il la doit à sa brillance et à sa danse.
Les masques sont appelés, attirés par le chant des femmes.
Certaines se mettent à pleurer.
Les masques suscitent une émotion telle, que le père des masques doit « payer » les femmes qui expriment cette « admiration » car le désir est blessure.
Par sa scénographie, le masque les a dépossédées, les a ravies; il doit donc « dédommager » celles qui font état du trouble causé par sa beauté.
« Le beau est spécifié d'abord par son efficacité, son caractère agissant, son aptitude à déclencher des émotions » écrit M. Jeudy-Ballini.
Les masques sont donc naturellement détruits après leur danse; l'instant de l'idéal beauté n'est plus.
On peut mesurer à quel point toute appartenance à un musée occidental doit apparaître comme une aberration aux yeux d'un Sulka...
Lisez l'article de Monique Jeudy-Ballini, il nous interpelle sur des questions dépassant largement le cadre des arts « non-occidentaux » et les questions de muséographie mais sur ce qu'est l'art, le beau, le désir...
Ce qui est ici donné à voir est plus important que le représenté.
Référence : Article de Monique Jeudy-Ballini, « Dédommager le désir », Terrain, Numéro 32 - Le beau (mars 1999), mis en ligne le 11 juillet 2005. http://terrain.revues.org/document2718.html
Photo 1 : Masque Hemlout, Museum für Ethnologie, Berlin, © de l'auteure.
Photo 3 : Masque Hemlout, Musée du Quai Branly..
Le fait que les masques soient détruits après leur danse me fait penser à la création des mandalas dans la tradition boudhiste. Ces figures éphémères faite en sable coloré.
Rédigé par : Louvre-passion | 12 mars 2007 à 20:48
merci pour ce billet et le texte de Monique Jeudy-Ballini à partir duquel on accède à une série d'articles sur Le Beau. Cette approche du phénomène du beau par l'anthropologie m'interpelle vraiment.
Rédigé par : Ch | 12 mars 2007 à 21:04
J'ai lu l'article que tu soulignes avec beaucoup d'intérêt et merci d'avoir pensé à moi pour un rapprochement avec la "beauté agissante".Ce concept est en effet présent dans l'article avec une autre terminologie.
Beaucoup de cultures sont fondées sur la "dépense" et le "DON"plus que sur la possession de richesses, d'où la destruction des peintures de sable ou des masques.Ceux ci étaient d'ailleurs souvent à l'origine en simple feuillage.
Rédigé par : Yvan | 13 mars 2007 à 09:16
C'est toujours bien quand il y a le mot «désir» dans le titre d'un livre, d'un film ou d'une exposition.
Tu écris : «On peut mesurer à quel point toute appartenance à un musée occidental doit apparaître comme une aberration aux yeux d'un Sulka...»
Il faudrait avoir toujours en tête les différences d'appréciation d'une culture à l'autre. Cela nous rendrait parfois plus humbles. Une initiative comme l'exposition «Magiciens de la terre», en 1989, avait quelque chose d'exemplaire, de neuf, d'optimiste et de généreux : les artistes de tous horizons géographiques étaient présentés au même titre que les artistes occidentaux les plus prestigieux.
Rédigé par : holb | 13 mars 2007 à 18:15
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Rédigé par : likopinko | 11 septembre 2007 à 22:42