Etrange destin que celui du Palais de la Porte Dorée construit à l’occasion de l’exposition coloniale internationale de 1931. D'abord, Musée des colonies et de la France extérieure, il devint le Musée de la France d’Outre-mer en 1935. Glissement sémantique non négligeable !
Dans les années 60, avec André Malraux, ministre des affaires culturelles, c'est le célèbre Musée des Arts Africains et Océaniens. Mais, 2003 sonne le glas, le MAAO ferme ses portes et les collections partent pour le futur Musée du Quai Branly.
Comme impassible et seul, traversant les choix politiques, demeure l'extraordinaire aquarium !
Un nouvel avenir semble pourtant attendre ce lieu, puisque ce 10 octobre 2007 voit l'ouverture de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.
Aujourd'hui, on pourra écouter une journée spéciale sur RFI et le 12 octobre, des émissions sur Radio France pour en savoir un peu plus.
Des expositions, parmi lesquelles on pourra noter Ellis Island – portraits d'Augustus Sherman à partir du 14 novembre, et plus tard 1931. Les étrangers au temps de l'exposition coloniale.
À suivre...
Photo 1 : Illustration du palais permanent des colonies, exposition coloniale de 1931, collection particulière.
Photo 2 : Guillaume Robert © Cité nationale.
Photo 3 : Affiche pour la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.
Il me semble important de compléter ce léger billet par un article du Monde d'hier que je reproduis ici dans son intégralité :
Mémoire de l'immigration, par un collectif d'historiens
La Cité nationale de l'histoire de l'immigration ouvre ses portes sans tambour ni trompette, comme si les plus hautes autorités de l'Etat cherchaient aujourd'hui à minimiser l'événement. Et, pourtant, l'ouverture de ce lieu de mémoire marque un moment important dans la vie politique et culturelle française. Le rôle majeur joué par l'immigration dans l'histoire contemporaine de la France est enfin reconnu par la communauté nationale.
En mai, nous avons démissionné du conseil scientifique de la CNHI, en dépit de notre attachement à ce projet, parce que la création du "ministère de l'immigration et de l'identité nationale", par son intitulé même, contredit les objectifs civiques que poursuit la Cité. Cette association de mots ne pouvait que conforter les stéréotypes et les préjugés qui existent aujourd'hui en France sur l'immigration.
Quatre mois après la création de ce ministère, nous constatons, hélas, que nos craintes étaient fondées. Les immigrés sont présentés, désormais, comme une menace pour l'identité nationale, comme des fraudeurs en puissance, des suspects qui doivent recourir à des tests ADN pour prouver leur bonne foi et leur bon droit. L'histoire de l'immigration est fréquemment mobilisée pour justifier ces mesures, dans des discours opposant les "bons" immigrés d'hier, respectueux des "valeurs républicaines" et qui "ont fait l'effort de s'intégrer", aux "mauvais" d'aujourd'hui.
Le projet défendu par la CNHI va à l'encontre de ces stéréotypes. Ceux qui l'ont conçu et porté ont toujours refusé de les cautionner, de même qu'ils ont toujours refusé d'entrer dans les polémiques stériles opposant les adeptes de la repentance et les tenants de l'antirepentance. La CNHI est un établissement culturel qui a une vocation éducative. Sa principale mission est de faire mieux connaître l'histoire des migrations pour combattre les contre-vérités et les fantasmes ; c'est la seule façon de former des citoyens un peu plus tolérants et respectueux des autres.
En dépit des difficultés qui ont jalonné sa mise en place, cette Cité est le résultat d'un travail collectif auquel ont contribué associations, chercheurs et acteurs de la vie publique, tous convaincus, au-delà de leurs divergences de vues, qu'il fallait changer le regard sur l'immigration. A contre-courant de l'offensive actuelle, on peut faire le pari que cette idée reste et sera partagée par un très grand nombre de Français. Pour toutes ces raisons nous souhaitons longue vie à la CNHI. Mais nous appelons à la vigilance pour éviter que ce lieu de mémoire soit détourné de sa fonction première.
Marie-Claude Blanc-Chaléard, historienne Paris-I ;
Geneviève Dreyfus-Armand, historienne ;
Nancy L. Green, historienne EHESS ;
Gérard Noiriel, historien EHESS ;
Patrick Simon, démographe INED ;
Vincent Viet, historien IDHE ;
Marie-Christine Volovitch-Tavarès, historienne;
Patrick Weil, historien CNRS-Paris-I.
Les objets et leur histoire auront franchi "La Porte dorée" avant celle des hommes de ces "Pays lointains". Drôle de destin
Rédigé par : akwaba | 10 octobre 2007 à 13:27