Les churinga (ou tjurunga) sont des pierres ou des objets en bois d'accacia sur lesquels ont été gravés des motifs. Ceux-ci sont des objets sacrés, toujours actifs pour les Aborigènes du Désert Central australien, notamment pour les Arenda.
Ces derniers ont demandé que ces objets ne soient plus montrés ni dans les livres, ni exposés dans les musées. Certains respectent cette demande, d'autres moins et l'on peut trouver facilement dans les bases de données de grands musées, les photographies de ceux-ci. Pour ma part j'adopte le parti pris de n'en montrer que des dessins provenant d'un article en ligne tiré de l'ouvrage R, Black.1964. Old and new Australian aboriginal art. Sydney, Angus and Robertson.
La requête est cependant difficile à comprendre pour l'esprit cartésien et occidental que je suis.
Je pense évidemment obligatoire le respect de la volonté des personnes dès lors qu'on touche à des choses sacrées. Malgré tout, j'ai du mal à admettre que l'on ne nous permette pas de décrire des objets tout en sachant qu'il y a des significations que l'on ne souhaite pas nous communiquer et de toutes les façons auxquelles nous n'aurions pas accès. Le sacré est associé au secret... certes... mais la frontière me semble fragile entre l'obscurantisme, le savoir du «sacré» et donc le pouvoir «religieux» aux mains de quelques-uns... et la nécessité légitime du secret. J'avoue très simplement avoir toujours beaucoup de questionnements et rarement des éléments de réponse par rapport à cela. Néanmoins, j'en apporte un peu plus loin concernant les churinga.
Il semblerait donc que sur ces objets cultuels que sont les churinga, soient gravés les motifs représentant le totem du clan.
Les cercles pourraient corrrespondre à des lieux sacrés, les lignes à des trajets. Les churinga seraient en quelques sorte des cartes. Mais ce vocabulaire ne se borne pas à être le reflet d'un simple langage topographique.
Dans le «Dreaming», le temps des Ancêtres, les entités ancestrales se déplacent et donnent formes au monde au cours de leurs cheminements. Ils créent des sentiers, des éléments de paysage lorsqu'ils s'arrêtent, des «esprits enfants» nés de leurs propres parties du corps qui vont «s'incarner» (le mot n'est pas tout à fait juste) dans le corps des enfants «hommes» auxquels le corps des femmes donnera naissance.
Les churinga de pierre seraient associés à ces esprits enfants. Il sont donc à la fois matérialisation de la fertilité, association du clan et de l'espace...
Puisque lié à un site, le churinga doit être vu sur son site et je comprends fort bien que dans nos musées, il n'ait aucun sens. Lié à la conception même de la personne, je conçois aussi qu'il y ait aussi une sorte d'impudeur à souhaiter voir le churinga comme si l'on se permettait de regarder dans l'âme même de la personne... peut être ai-je déjà là un élément de compréhension par rapport à l'interdiction que les Aborigènes imposent vis-à-vis des churinga ?
(Les churinga de bois, eux, seraient des rhombes, associés à la présence même des ancêtres).
Emile Durkheim en 1912, à partir des études de Spencer et Gillen de 1896, écrivit : Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie. Un livre téléchargeable sur internet grâce à l'UQAC... et à partir duquel, on peut commencer à comprendre quelques éléments sur les churinga.
Première note sur l'Australie... et je devine déjà l'ampleur du chemin à parcourir afin, ne serait-ce qu'appréhender le Dreaming, un concept complexe qui modèle à la fois la cosmologie, organise la société aborigène et est lié à la notion de personne... à suivre donc...
Pour aller plus loin : Moisseeff, Marika. 1993. Un long chemin semé d'objets cultuels : le cycle initiatique Aranda. Paris, Editions de l'EHESS.
Dessins tirés de l'article Sacred and ceremonial objects and designes. "Cliquables".