Une curieuse histoire. Tout un ensemble de sculptures, de bâtons surmontés de figures, fut collecté par un missionnaire J. G. Reuther entre 1903 et 1906 dans la région du Lac Eyre au Sud de l'Australie, près du village de Killalpaninna où se tenait la Mission luthérienne pour laquelle il travaillait.
Il n'existe aucune autre série équivalente sur le territoire australien.
Reuther les vendit en 1906 au Musée d'Adélaïde avec une série de dessins réalisés par Hiller, un instituteur venu travailler à la Mission, accompagnés d'une documentation précise sur le sens des motifs représentés sur les toas.
Il s'agirait de bâtons que les Aborigènes plantaient dans le sol indiquant un déplacement d'un ou plusieurs individus vers un endroit précis.
Sommes-nous donc en présence d'un langage-objet ? L'hypothèse est bien séduisante...
Lorsque P. Jones et Sutton, en 1986, montèrent une exposition sur les toas, ils posèrent les questions auxquels Reuther, malgré son importante documentation, n'avait pas posées : Quelles étaient les personnes ayant réalisé ces objets ? Quelles populations vivaient dans la région du Lac Eyre à l'époque? Dans quelles conditions ces objets avaient-ils été collectés ?
Il se trouve que ces populations avaient été complètement décimées; et en 1950, il ne restait plus aucun descendant de celles-ci. L'enquête sur les toas s'était donc avérée très difficile à mener.
Cependant, on a su que les rares personnes qui avaient côtoyé la Mission dans ces années 1903-1906 n'avaient jamais évoqué l'existence de toas.
De plus, on a trouvé à partir des dessins de Hiller plusieurs incohérences dans la fabrication des toas (présence de tenons et mortaises).
L'hypothèse la plus probable ? Reuther a certainement fait fabriquer ces objets avant de quitter la Mission dans des conditions dramatiques, voulant par là, prouver que les Aborigènes avaient accès à un système de signes codifiés.
Alors, des «faux», direz-vous ? Non ! La question est bien trop complexe.
À travers ces objets, ceux qui les ont réalisés ont nécessairement fait passer leurs propres connaissances... et au-delà de toute hypothèse, toute interprétation, ce sont réellement de très beaux objets.
Photos tirées du site du South Australian Museum.
Photo 1 : Aquarelle de H. J. Hillier 1904.
Objets appartenant à la South Australian Museum Reuther Collection.
À consulter : Jones, Philip & Sutton, Peter. 1986. Art and Land: Aboriginal Sculptures of the Lake Eyre Region. South Australian Museum, Wakefield Press.
Bonjour Lyliana,
Chacun de vos billets sur l'Océanie m'enchantent. Celui-ci suggère de multiples questions. Je n'ai jamais vu de tels objets. Ils me semblent au croisement des figures de Papouasie pour le culte de l'igname... avec un style plus aborigène.
Le côté panneau signalétique des chemins chantés du rêve semble séduisant mais étrange et décalé par rapport aux pratiques existantes.
Quelle tristesse que le lien soit rompu avec ces tribus. Que la mémoire de la création de ces objets ne nous soit pas parvenue...
Egalement, à notre tour, nous pouvons rêver à d'autres sens...
Bien amicalement,
Bertrand
Rédigé par : Bertrand | 14 mars 2008 à 01:04