L'informe dans l'art africain est le fil conducteur de l'exposition Recettes des Dieux, actuellement au Musée du Quai Branly jusqu'au 10 mai.
Idée intéressante que celle de la représentation de l'invisible ou du divin dans des objets sans aucune référence anthropomorphe, telle nous l'avions rencontrée à Tahiti avec les To'o.
En Afrique, nous allons retrouver tous ces objets « habités » sur lesquels on verse des libations, qu'on enduit afin de les activer. Ce sont des objets du Bénin, comme cet objet Bo, ou encore des objets de divination, des minkisi, des « fétiches » choisis ici pour leur forme indéfinissable, leur corps enveloppé, ligoté, métamorphosé par maintes gestuelles.
Ci-dessus, il s'agit d'un curieux assemblage. Un emblème d'une société masculine vouée au culte du léopard au Nigeria. La notice en précise la constitution, un incroyable inventaire : «... une paire de balais cérémoniels, une canne, 2 tambours sacrés ngbe (la voix du léopard), crânes et mâchoires, restes d'animaux consommés lors des cérémonies et fixés sur une natte.» ... et la fonction : « Le dispositif fonctionne comme un idéogramme renvoyant au nsibidi, langage ésotérique de gestes et de signes écrits » !!!
Et plus loin encore, un étrange objet :
Il s'agit d'un Gadjenou, de la région de Lomé.
Là encore, la notice commence par une phrase qui laisse perplexe : « Pour éteindre tous les bruits que font les habitants attaqués par les voleurs et pour que les voisins n'entendent pas »... et oui, les voleurs, aussi, ont bien le droit à un petit coup de main de la magie !
...et d'apprendre ensuite, pour que la morale soit sauve : « Objet confisqué aux bandits et à leur chef Akpanaka et qui constitua l'une des 47 pièces à conviction lors de leur procès vers 1930 ».
Nanette Jacomijn Snoep, Commissaire de l'exposition, nous présente ici un véritable
« bazar des dieux », superbe festin de l'invisible où notre imaginaire peut s'exercer aux limites de ce qui fait forme.
Photo 1 : Crowd Looking at a Tied-up Object, Henry Moore 1942, © The Henry Moore Foundation.
Photos 2, 3, 4, 5 : Musée du Quai Branly.
Commentaires