Un étrange animal cohabite sur le plateau des collections du musée du Quai Branly auprès des flûtes sacrées du Bas Sepik.
Constitué de vannerie, de coquillages, de fibres, de graines et d'os ; celui-ci prend la forme du crocodile. Déjà signe ostentatoire de richesse par la présence des cauris et des nassa, la forme devient surréaliste avec l'adjonction de franges d'où pendent des morceaux de poteries, des fragments d'os, de végétaux ; mémoires de festins oubliés.
Mais l'image est peu étonnante dans la région du Porapora où cet objet a été collecté et où le fleuve, omniprésent, confère au crocodile le statut d'ancêtre d'un clan et le pouvoir de protéger ce qu'il y a de plus sacré.
Car il s'agit de protection ici.
Au sein des Maisons des hommes, habitées par les esprits des ancêtres, s'accumulait une multitude d'objets.
Par le son des tambours et des flûtes, les ancêtres s'« incarnaient ». Par la présence de crânes, l'énergie des défunts pouvait encore s'activer pour le bien-être du groupe. Mais tout au fond, cachés à la vue de la majorité des hommes, manipulés seulement par ceux qui savaient maîtriser leurs pouvoirs, résidaient les objets les plus précieux.
Ainsi, ce crocodile n'était-il qu'un manteau, un reliquaire, cachant, enveloppant l'objet de pouvoir : une massue de bois noir ayant appartenu à un big man, héros culturel des clans.
Photos : Musée du Quai Branly.
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