"Entrer" dans les arts extra-occidentaux c'est se frotter à une multitude de questionnements qui ont trait aussi bien à l'ethnologie, à l'histoire, à l'histoire de l'art... aux interrogations des religions, des sociétés, des hommes...
Dans le détours de ces mondes, des figures comme celles de Carl Einstein, d'André Breton, d'André Malraux... à des titres différents, ont surgi et se sont croisées autour des arts africains, plus largement pour leur vie elle-même, et ont fait l'objet de conférences à part entière au sein de l'association ces dernières années.
Parmi les figures incontournables, il en est une qui m'impressionne particulièrement et dont l'oeuvre est essentielle pour qui veut réfléchir sur les images (et plus largement dans les domaines de la philosophie de l’art, de la philosophie du langage et de la philosophie de l’histoire !)... il s'agit de Walter Benjamin.
Compliquée son oeuvre, sa pensée et pour l'instant, je l'approche lentement comme celle d'Aby Warburg. Car la "porte d'entrée" des arts lointains c'est pour moi aussi un subterfuge pour essayer de se donner les moyens de "penser autrement". Mais il faut du temps pour apprivoiser. Il faut y venir et y revenir, souvent par surprise.
Ainsi, réfléchissant sur Pierre Guerre et notre visite à la Vieille Charité l'année précédente en compagnie d'Alain Vidal-Naquet, son gendre ; réfléchissant également à la construction de conférences autour du Mur d'André Breton, j'avais à l'époque rencontré Alain Paire.
Et c'est vers lui que je reviens aujourd'hui car il nous propose des vidéos sur des écrivains qui ont marqué Marseille et sa brève évocation de Walter Benjamin à Marseille en 1940 est remarquable et sensible.
La date est d'autant plus aiguë que cette année là, le 26 septembre, Walter Benjamin sera retrouvé mort à Port-Bou, non loin de la frontière espagnole : il aura ingurgité une dose énorme de morphine.(Le 15 juillet, une autre grand penseur "énergumène" s'était jeté dans le gave d'Oloron : Carl Einstein) !
Le titre de cette note est emprunté à celui d'une émission de France Culture :
Photo 1 : Photographie du passeport de Walter Benjamin, vers 1928
Photo 2 : © Valerio Adami
Je réagis un peu sur le titre; ce qui montre les lacunes des medias, y compris de France inter.
Collectionneur d'étincelles est un titre sophistiqué voire prétentieux qui ne convient pas à mon sens à l'auteur et à sa vie modeste. Dans sa vie ,il fut le "petit bossu" de la chanson poursuivi par la malchance, par la pauvreté, trahi par ses amis et rejeté par les institutions. Petit bossu, y compris dans le malentendu qui le conduisit au suicide.On doit respecter la véracité de cette vie et ne surtout pas héroïser le personnage. Hannah Arendt a écrit des pages lumineuses à ce propos.
Il se définissait lui -même, plutôt, et c'est une toute autre idée que les étincelles, comme le "chiffonnier de l'histoire"; c'est dire qu'il collectait les déchets, oubliés par la grande histoire, écrite pour lui par les vainqueurs (il a parlé aussi de concrétions fossilisées) : comme pour Warburg, le "Diable se niche dans les détails". On peut appliquer cette idée à des figures "survivantes" mythes, voire des cultures: je l'ai essayé en ce sens et dans sa ligne qui rejoint De Martino et Warburg sur des aspects insolites comme la Tarentule des Pouilles, "Le Sabbat des sorcières" ou les figures païennes qui hantent le carnaval..
Sa contribution essentielle à la compréhension de l'œuvre d'art authentique, c'est que pour lui elle véhiculait "l'Aura" du fait de ses origines cultuelles-soit "l'unique apparition d'un lointain, si proche, soit-il".( il rejoint ici GELL).L'aura se perdrait du fait de la reproduction et des outils techniques qui la permettent. l'œuvre ne serait plus qu'objet ouvert à la contemplation, objet muséal; c'est ce qu'on peut dire des "ARTS PREMIERS" et c'est pourquoi Benjamin est une des sources de leur compréhension critique.
Rédigé par : yvan ETIEMBRE | 26 juillet 2014 à 16:12