Le musée du Quai Branly ouvrira ses portes demain sur une superbe exposition consacrée aux arts des îles Salomon.
Un ravissement de sculptures de bois teinté en noir et de nacre, de parures de coquillages, et non pas une profusion d'or comme le laisserait entendre le nom de ces îles baptisées en 1568 par le navigateur espagnol Alvaro de Mendaña de Neira pensant avoir découvert le pays d'Ophir d'où le roi Salomon aurait tiré ses richesses.
Il me semble que les représentations qui doivent le plus intriguer le visiteur résident dans ces petites figures humaines appelées NguzuNguzu (à Marovo Lagoon) ou Toto Isu (à Roviana Lagoon ) ou encore Musumusu (Nouvelle Georgie). Celles-ci, soulignées par des décorations faciales qui rappellent des peintures corporelles, sont prognathes et évoquent le museau d’un chien dont la bouche reste entre-ouverte. Les bras sont ramenés sous le menton et les mains sont jointes.
Elles tiennent généralement une petite tête entre leurs mains (en référence à la chasse aux têtes), parfois un oiseau (pour l’aide à la navigation).
La mission du Musumusu était protectrice : il devait apaiser les Kesoko, esprits de la mer.
Ces éléments ont dû être amovibles. Est-ce la raison pour laquelle les spécimens sont si bien conservés ou bien parce que très vite, des modèles ont été réalisés pour la vente "aux touristes" ? Il semble que de nos jours, le commerce de ces petits trésors soit florissant et que les sculpteurs salomonais rivalisent de dextérité.
Mais cette forme naturellement questionne. Parmi les possibles interprétations, il existerait, dans les mythes de création, des histoires de chien... Celles d'un chien civilisateur qui serait venu apprendre des choses aux Ancêtres dont, entre autres, « savoir cultiver les jardins, construire pirogues et maisons, et même comment manger la viande »...
Étonnant cette image anthropo-canine dans ce monde insulaire où la pêche à la bonite constituait la seule manière de se procurer "la" ressource alimentaire réellement précieuse ! Pas de chasses au gibier mais des chasses aux têtes qui pouvaient cependant apparaître de même nature : leurs expéditions étaient lancées avec la même volonté de pouvoir régénérer la communauté,
Régénération physique par l’apport alimentaire de poisson, régénération du groupe par la prise de têtes.
Dans ce dernier cas, ce qui était en jeu, c'étaient les chances de vie et de perpétuation du groupe, le bien-être des ancêtres et la supériorité de la communauté par rapport aux ennemis.
Le mana c’est-à-dire l’énergie vitale qui réside dans la tête pouvait être activé et de ce fait pouvait apaiser les ancêtres, alors bien disposés à prodiguer leurs soins aux vivants.
Dans ces sociétés du centre des îles Salomon, la guerre, la chasse aux têtes, la pêche, les relations d’échanges car les produits (têtes, esclaves, mais aussi capture des enfants et des femmes pour la prostitution ou d’éventuels mariages, et bien-sûr bonites) concourraient au “bien être” spirituel et matériel de la communauté.
Tout ainsi contribuait à assurer la cohésion sociale du groupe.
La chasse aux têtes prit fin au début du XXème siècle.
Pour en savoir plus :
Photos de l'auteure au musée du Quai Branly, novembre 2014.
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