Travaillant sur une introduction aux arts Dayak dans le cadre des conférences Détours des Mondes, il était naturel de faire un tour sur le plateau des collections d'Asie du Sud-Est au musée du Quai Branly. (Après être tout de même allée à Borneo !)
Six sculptures y sont installées, de styles très différents, la plupart pourtant réalisée par des populations Ngagu ou apparentées, populations du Sud - Sud Est de Borneo, dans la partie indonésienne que constitue le Kalimantan.
Les Hampatong, ce sont ces images anthropomorphes sculptées dans le bois de Bélian ou bois de fer dont les fonctions ont parfois du mal à être définies. Pour faire simple, on affirme qu'elles sont des gardiens chargés de chasser les esprits malfaisants ou de tenir à distance les épidémies... ainsi on se sent quelque part rassuré, car il faut bien reconnaître que la statuaire Dayak est bien souvent féroce !
Quoi de cruel pourtant dans ce visage un peu benêt ? Ne pas se fier aux apparences rapides, car ce grand "dadais" presque prostré, a la langue tirée pour afficher une cruelle détermination, et tient sous son bras gauche une petite tête ! La base cylindrique ornée de motifs floraux où il est assis fait probablement référence au cycle de la vie et de la mort, vie pour la parentèle de cet ancêtre devenu protecteur, mort pour l'ennemi dont on vient de prendre la tête. Un sacrifié qu'il ne faut offenser et pour lequel un buffle attaché à ce poteau et égorgé rituellement constituera l'une des offrandes propitiatoires.
Celui-là ci-dessous ne cache pas son jeu : Fier, il sait qu'il est le représentant d'une noble famille. Les secondes funérailles qui lui sont ainsi offertes seront dispendieuses, honorant sa vie passée de grand guerrier, de "coupeur de têtes" et indiquant de manière ostentatoire la puissance de sa descendance capable de dépenser beaucoup à l'occasion de ces cérémonies funéraires.
À la base du poteau, la sauvagerie ne se cache pas dans cette gueule qui n'est déjà plus humaine. Il faut sacrifier au grand homme des dizaines de cochons voire des dizaines de buffles afin de "terminer la mort" pour l'âme du défunt.
Le poteau Blontang (ci-contre) des Benua présente quant à lui un personnage la main droite posée sur le coeur ; geste de politesse que les Dayak font lors d'une salutation, geste humble des bras des défunts reposant lors de la veillée funèbre. Plus modeste ? Ce n'est pas sûr... il n'est que de remarquer la taille disproportionnée de son sexe et l'existence d'une petite langue qui pointe au centre de la bouche !
Outre un fragment de poteau Kenyah, très largement orné de motifs d'aso (ce chien-dragon qui entre en scène dans les mythologies Dayak en lien avec le monde inférieur), et que l'on peut apercevoir à l'arrière plan de la dernière photo ; la pièce la plus surprenante du plateau des collections consacré à l'art de Borneo est sans nul doute la dernière acquisition du musée !
Il s'agit d'un poteau Modang : Dans cette association de figures anthropomorphes et zoomorphes, l'esprit peine à chercher ce qui peut le rattacher à l'humain. Des varans semblent envahir son corps... Est-on à mi-chemin entre le monde inférieur et le monde supérieur où doit aller reposer l'âme de l'ancêtre ?
Ineffable objet dont la description restera toujours en deçà de la chose... Il n'est pas sans nous faire songer à cet autre "indicible" exposé il y a quelques années à Paris !
Photos de l'auteure, octobre 2016 :
Photo 1 : Plateau des collections © Musée du Quai Branly
Photos 2 et 3 : Détail de 71.1973.76.1 © MQB
Photos 4, 5 et 6 : 70.2001.27.485 et détails © MQB
Photo 8 : Détail de 72.1996.4.1 © MQB
Photo 9 : 70.2008.72.1 et 70.2001.27.531 © MQB
Bonjour,
Je possède une sculpture en bois très lourd, je l’ai acheté fin des années quatre-vingt à Djakarta.
Après l’avoir présenté à plusieurs spécialiste de l’Indonésie, il est toujours impossible d’en connaître l’orogine.
Pourriez-vous m’aider si je vous envoie quelques bonnes photos de la pièce.
Bien à vous,
William Leroy.
Rédigé par : William Leroy | 17 mars 2018 à 11:15