Suite de l'escapade écossaise de ce début de printemps avec la visite du National Museum of Scotland à Edimbourg. Plus exactement, arrêtons-nous sur les galeries dédiées aux Cultures du Monde car le musée est gigantesque et s'y mêlent les squelettes de cerf géant et de crâne de baleine, la fameuse Dolly, premier mammifère à avoir été cloné, de mystérieux cercueils miniatures d'Arthur Seat, 11 figurines de Lewis (les 82 autres pièces de ce jeu d'échecs sont exposées au British Museum)... bref un formidable voyage à travers l'histoire écossaise, les sciences naturelles, les techniques, la mode ou encore le design !
Ce que je recherchais était très précis puisqu'il s'agit toujours des objets ramenés lors des voyages de Cook. Mais la présentation des vitrines du musée d’Edimbourg reflète un intérêt muséographique moderne et écarte toute exposition chronologique qui aurait simplement mis en évidence les artefacts du dix-huitième siècle.
Ainsi que l’indique le nom de la Galerie : Facing the sea, celle-ci présente les objets des mers du sud comme témoins des différentes sortes de voyages à des époques diverses, des découvertes, du commerce, des échanges…
Ainsi, s’il existe bien une vitrine qui semble dédiée à James Cook, comportant l’horloge qui était à bord de l’Endeavour pour le premier voyage, objet important puisqu’il s’agissait d’effectuer la mesure du transit de Vénus, le reste des objets composant cette vitrine n’est pas spécialement issu des expéditions Cook…
Un panier, une corde et une flute des Tonga, une fronde des Marquises rapportés lors des voyages de Cook côtoient des objets collectés eux un siècle plus tard par Colin Dundas officier à bord du HMS Topaze qui accosta à l’île de Pâques en 1868 ou encore des bols, des kapkap, brassards, armes et flèches des îles de l’Amirauté rapportés par le HMS Challenger en 1872.
Mais pourquoi rechercher ici des objets collectés lors des voyages de Cook ? On sait que plusieurs membres d'équipage étaient écossais, des personnalités comme Alexandre Buchan et Sydney Parkinson, les dessinateurs du premier voyage, hélas décédés avant le retour de l'Endeavour en Angleterre... Il faut attendre les deuxième et troisième voyages avec William Anderson, un chirurgien présent lors des deux expéditions qui avait suivi des études à l'université d'Edimbourg afin de disposer d'une piste valable concernant des objets des mers du sud.
Une étude récente et une enquête passionnante menée par Dale Idiens et Chantal Knowles : « Cook-Voyage Collections in Edinburgh, 1775-2011 » parue dans l'ouvrage Cook-Voyage Collections of Artificial Curiosities in Britain and Ireland, 1771-2015, Coote J. (ed.) lèvent un voile sur ce point.
On sait (par les études d'Adrienne Kaeppler) que lors du troisième voyage, une partie des objets qu'il avait collectés fut offerte au gouverneur du Kamtchatka d'où l'existence d'un fond " Cook" à Saint-Petersbourg, mais certains furent donnés à Edimbourg.
Avant cela, peu de temps après son retour de la seconde expédition, Anderson a dû contacter son professeur d'anatomie d’Edimbourg car on trouve trace de son passage et de son don au museum d'histoire naturelle de l'université en août 1775, mais sans aucune précision quant à la nature des objets donnés. Néanmoins en 1780, la chaire d’histoire naturelle de l’université est occupée par le Révérend John Walker qui entreprend un inventaire de la collection du museum et qui signale l’existence de quatre boites dont deux d’entre elles contiennent des articles de Tahiti pour la première et des articles des mers du Sud pour la seconde. On possède avec bonheur quelques précisions quant à la nature des 44 artefacts qui y étaient inclus.(Cf. Idiens & Knowles)
La collection Anderson à Edimbourg ne s’arrête pas là. En effet, de nouveau à bord de la Resolution pour la troisième expédition, Anderson reprit ses collectes et notamment à Hawaii, archipel qu’il découvrait pour la première fois. On sait qu’il mourut en août 1779 après avoir écrit le 21 juillet qu’il laissait ses naturalia à Banks. Les curiosités artificielles devaient donc probablement revenir à sa famille. La suite est plus confuse car on s’attendrait à une donation de cette dernière dans les années 1780 faite à la Royal Society of Edinburgh puis au museum, mais il n’en est rien. Par contre, il existe une donation d’un certain Lord Daer : 2 ensembles d’objets que John Walker consigne en 1783 avec des mentions différentes.
Pourquoi cette différence de traitement ? D. Idiens & Ch. Knowles suggèrent que Sir Daer a peut-être acheté le premier ensemble à la famille d’Anderson et qu’il l’a présenté par conséquent sous son propre nom, alors que le second ensemble aurait été une donation de la famille par son intermédiaire. L’ensemble de la collection « Daer » donné à The Royal society of Edinburgh s’élèvait alors à 172 objets.
Il existe une autre source d’apports d’objets « Cook » à Edimbourg : John Pringle, un médecin écossais, président de la Royal Society de 1772 à 1778, qui connaissait Cook. Ce dernier lui avait effectivement écrit sur le sujet qui lui tenait tant à coeur : la prévention du scorbut. Il se trouve de plus que le père James Cook avait travaillé dans l’une des propriétés des Pringle lorsqu’il était jeune, étant originaire d’Ecosse.
D. Idiens & Ch. Knowles font l’hypothèse qu’Elisabeth Cook a offert (vendu ?) des objets du troisième voyage ayant appartenu à son mari, alors décédé, à Pringle. Celui-ci en a fait don à The Society of Antiquaries of Scotland en juillet 1781. Il s’agissait de 57 objets, dont ce magnifique taumi.
Enfin, une autre donation datée de 1787 est le fait d'un certain Andrew Graham, un agent de la Hudson’s Bay Company qui faisait collection de spécimens d’histoire naturelle, notamment d'oiseaux. À ce titre il fut en relation avec Johann Reinhold Forster dès les années 70 auquel il adressait des individus. Il revint s’installer à Edimbourg en 1775. Il fit don à la Royal Society d’objets provenant bien sûr d’Amérique du Nord, des artefacts inuits et indiens, mais parmi eux il y avait huit objets issus du troisième voyage dont un seul (un morceau de corde maori) est identifié dans les collections du musée d’Edimbourg.
Il faut ensuite attendre 1860 pour voir mentionner de nouveau les collections ethnographiques, date à laquelle les collections du museum d'histoire naturelle sont transférées au New Industrial Museum of Scotland.
En 1951, le Royal Scottish Museum qui est maintenant le National Museum of Scotland reçoit tous les objets des Mers du Sud.
Des achats d'objets "Cook" ont été encore réalisés au cours des XIXème et XXème siècle, mais de nos jours, seuls 45 objets sont « estampillés » voyages de Cook !
Un travail de recherche s’imposerait là aussi pour aller plus loin dans ces enquêtes…
Photos de l'auteure, National Museum of Scotland, mars 2017 exceptée pour la fronde des îles Marquises © National Museum of Scotland.
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