Lorsque nous regardons une carte de Papouasie-Nouvelle Guinée, outre le mythique fleuve Sepik, nous remarquons bien sûr l'abondance des cours d'eau et, dans la Province de Madang, pas "très" loin de l'embouchure du Sepik, un long fleuve qui serpente sur plus de 660kms, appelé le Ramu.
Il semble aisé de suivre son tracé jusqu'à sa source dans la chaîne de montagnes de Kratke dans les Hautes-Terres.
De nos jours, le Ramu est tristement célèbre pour l'énorme projet minier chinois d'extraction et de raffinage du nickel et du cobalt qui produit des ravages environnementaux jusque dans la mer de Bismarck. De plus, des explorations minières réalisées en 2010 et 2013 indiquent qu'il existe encore d'importants gisements d'or, de cuivre, d'argent et de platine à exploiter... il n'en faut pas plus pour susciter toutes les convoitises et faire craindre le pire pour les populations locales...
Pourtant à la fin du 19ème siècle, la topographie de cette région demeurait inconnue et c'est le département colonial du ministère des affaires étrangères allemand qui organisa en 1896 une première expédition en direction du fleuve Ramu, contrôlée par la Société de Géographie de Berlin.
Dix ans plus tôt, Schleinitz, à bord du vapeur
Ottilie (cf. article
Il était un petit navire) sur le Sepik, avait repéré le bras d'un fleuve qu'il s'était empressé de baptiser Ottilie Fluss !
À la saison des pluies le Ramu et le Sepik peuvent effectivement se rejoindre et la cartographie n'était pas claire. Le but de l'expédition était de débrouiller cette question géographique mais, bien sûr, de rechercher déjà les potentialités économiques de la région !
Cette fois-ci l'expédition est dirigée par le botaniste Karl Lauterbach et organisée par l'ethnologue Ernst Tappenbeck. Une grande partie du voyage s'est déroulé à pied, en s'enfonçant dans les terres, le fleuve n'étant pas très profond par endroit pendant la saison sèche. La mission a réussi à prouver que le fleuve Ramu et l'Ottilie Fluss était bien le même cours d'eau, Lauterbach a effectué son travail de naturaliste, documentant environ 150 espèces d'oiseaux mais ce sont les recherches géographiques qui furent les plus intenses car les scientifiques du bord étaient persuadés que le Ramu contenait du quartz aurifère et la découverte d’or alluvionnaire sur un affluent montrait qu'une investigation détaillée serait nécessaire.
Ce sont ces dernières raisons qui emportèrent la décision de la Neuguinea Kompagnie de monter une seconde mission d'exploration du Ramu, avec à sa tête le même Ernst Tappenbeck. Cartographier la région centrale de la vallée de Ramu puis commencer l'exploration aurifère étaient les objectifs.
Tappenbeck choisit la
Duchesse Elisabeth, un bateau à roues à aubes à fond plat. Il arriva d'Allemagne en pièces détachés avec, de plus, tous les éléments pour construire une station.
Tout cet équipage partit à bord du navire le
Johann Albrecht de Friedrich Wilhelmshafen (Madang) le 3 avril 1898.
Essuyant de gros problèmes (notamment des difficultés de navigation dans la mer de Bismarck, à l'embouchure du Ramu (où fut construite une première station Ramumünde), faible niveau d'eau du fleuve par endroit,...), l'expédition réussit effectivement à construire une station qui devint le camp de base dans la région centrale, sur les contreforts de la chaîne de Hagen.
C'est à partir de là, que Hans Rodatz, employé de la Neuguinea Kompagnie, collecta des insectes, des plantes, des artefacts et effectua des relevés hydrographiques du fleuve. Quant à Hans Klink, un chercheur aurifère australien, il examina les parois rocheuses et le lit du fleuve. Durant les mois de septembre et octobre 1898, il trouva effectivement de l’or sur les rives du Haut-Ramu, mais l’expédition dut s'achever avec les pluies.
À son retour, Tappenbeck fut licencié pour ses points de vue très critiques envers la Compagnie. Quoiqu'il en soit, il écrivit un ouvrage :
Deutsch-Neuguinea, paru en 1901, qui rend compte de son expérience en Nouvelle Guinée allemande en cette fin de XIXe siècle.
Cet ouvrage est téléchargeable
Il y eut bien sûr une troisième expédition car on n'allait pas en rester là avec les recherches aurifères, mais cette troisième tentative n'avait aucun caractère de recherches ethnographiques. Partie à la fin de l'année 1899, l'expédition rencontra les mêmes difficultés (maladies, conditions climatiques épouvantables, partie non navigable du fleuve...) et elle fut pauvre en termes de résultats. Le temps
(nous étions alors en 1902) et l'argent dépensés pour les expéditions Ramu depuis 1886 furent déterminants pour stopper ces recherches.
La collection de Hans Rodatz fait maintenant partie des collections océaniennes du
Rautenstrauch-Joest-Museum de Cologne.
À suivre...
Source : Hans J.Ohff, 2008,
Empires of Entreprise : German and english commercial interests in East New Guinea 1884 to 1914, thèse à l'université d'AdélaÏde.
Téléchargeable sur le site de
Adelaide Research & Scholarship.
Photos 1 et 3 in Tappenbeck, Deutsh-Neuguinea.
Photo 4 : Figurines - Collection Rodatz au Rautenstrauch-Joest-Museum, photo de l'auteure, 2011.
Carte Fleuve Ramu sur le site Art-Pacific.com.