Fiction Congo...un titre énigmatique pour cette belle exposition qui débute au musée Rietberg de Zürich. Le Congo se borne-t-il à être une invention, une simple histoire bâtie sur des faits imaginaires ? Oui, vont répondre plusieurs artistes contemporains invités à Zürich, et ce de par le partage de l'Afrique à la conférence de Berlin, de par les années de colonisation : le cadre est bien là mais sans être de l'invention des Congolais, le passé est donc à "re-bâtir", en témoigne par exemple cette mise en abyme des figures inspirées des Demoiselles d'Avignon et du masque Pende, et pour laquelle il faut se réapproprier profondeurs historiques et géographiques.
Mais le point de départ de l'exposition ne se borne pas à être une simple constatation de la décontextualisation évidente des objets de nos musées ethnographiques et de l'importance de la collaboration de ces derniers avec des artistes contemporains. Ceci est un fait acquis. Le projet, ici, se fonde sur une recherche débutée il y a un an et menée conjointement avec l'université de Zürich pour une durée de 4 ans qui se penche sur les archives de Hans Himmelheber.
Ce nom est bien connu des Africanistes. Ethnologue, il a mené des missions en Afrique à partir de 1933 et jusqu'en 1976. Je l'ai évoqué dans une note (Mains de maîtres chez les Dan) à l'occasion de ses voyages en Côte-d'Ivoire et au Libéria. J'ai déjà souligné combien il avait été pionnier dans ses théories sur la création artistique au sein des populations qu'il rencontrait ; cherchant à comprendre les processus de création, à identifier les artistes. On connait peut-être moins sa facette de marchand d'art. Il était en relation avec de nombreux musées, avec des galeries à Paris mais aussi à New York.
À Zurich, le musée Rietberg possède une grande partie de la collection privée du chercheur ainsi que son vaste fonds photographique et les écrits de sa succession. Ainsi, à l'occasion du vernissage l'exposition Fiction Congo, la semaine dernière, quelle ne fut pas l'émotion produite sur l'assemblée par la petit fille de Hans Himmelheber qui, après un brillant et humoristique discours soulignant le rôle de sa grand-mère et plus généralement des femmes de la famille que l'on oublie souvent dans les vies des ethnologues célèbres, a remis une précieuse boîte à trésors où se trouvait une série d'amulettes Pende ayant appartenu à son grand-père et qu'elle offrait généreusement au musée.
C'est dans ce contexte de recherche, que les commissaires de l'exposition, Michaela Oberhofer, conservatrice du département Afrique et Océanie, et Nanina Guyer, conservatrice du département Photographie au musée Rietberg, ont souhaité confronter oeuvres et photographies historiques avec des réalisations d'artistes congolais produites pour certaines à partir de leur réception des archives Himmelheber.
C'est cette confrontation qui est donnée à voir à Zürich et qui se traduit par trois espaces principaux, conçus comme des mondes de l'art : "Design et élégance", "Pouvoir et Politique", "Performance et Initiation".
Ainsi, dans l'espace "Pouvoir et politique", peut-on découvrir un nkisi numérique, réalisé par Hilaire Balu Kuyango, et qui affiche sa puissance comme ses ancêtres, les mangaaka exposés près de lui, chargé lui aussi, se voulant fonctionner comme une image efficace pour dénoncer l'exploitation inhumaine du coltran, ce minerai indispensable à la fabrication des portables.
Une belle exposition qui se conclut par "Ma vision du Congo",une série interviews où les différents fils rouges sont réunis et gravitent autour d'un Congo centre et avenir du monde...
Photos de l'auteure :
Photo 1 : Demoiselles Pende © Aimé Mpane, 2013 © der Künstler und Nomad Gallery et Masque mbangu, Pende © Museum Rietberg.
Photo 2 : Extrait du montage vidéo projeté au musée à partir des photographies et journaux de Hans Himmelheber lors de son voyage au Congo de mai 1938 à juillet 1939.
Photo 3 : Ensemble de masques Yaka © Museum Rietberg.
Photo 4 : Ensemble de masques Pende © Museum Rietberg.
Photo 5 : Nkisi numérique © Hilaire Balu Kuyangiko, Kongo, 2017.
Photo 6 : Papotage (détail) © Steve Bandoma, 2016.
Photo 7 : Ata Ndele Mokili (Tôt ou tard le monde changera) © Monsengo Shula, 2014, collection Henri et Farida Seydoux.
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