Cherchant à compléter ici mes notes sur les arts de Nouvelle-Bretagne, à la suite de l'article Le problème Baining publié en 2015, je vous propose quelques précisions supplémentaires.
Les Baining se répartissent à l’est de la Péninsule de la Gazelle. Il semblerait que la terme Baining ait été donné par les Tolaï et signifierait "Sauvage de la montagne", une appréciation peu flatteuse, car ils avaient trouvé en ce peuple, des individus peu communicatifs ! Contrairement aux Tolai qui semblent avoir migré des îles du duc d'York et du sud de la Nouvelle-Irlande, les Baining sont peut-être un groupe installé depuis très longtemps sur ce territoire. Du reste, s'ils ne verbalisent pas vraiment leur société, ils parlent d'eux comme étant le "Peuple".
Malgré les difficultés d'accès à leurs régions, des missionnaires se sont installés assez tôt : le Père Matthäus Rascher fonda la première mission en 1898. Parmi les groupes Baining, on distingue essentiellement les Chachet situés dans les collines du Nord-Ouest et les Uramot, plus proches des Tolai.
Afin d'en connaître un peu plus sur ces cultures, des ethnologues se sont rendus depuis les années 1920 chez les Baining. À l'exception de Richard Parkinson qui a écrit au tournant du siècle sur les groupes Taulil et Butam (situés très près des groupes Tolai du Nord), j'ai déjà évoqué Gregory Bateson, Jeremy Pool, Jane Fajans pour son terrain dans les années 76-78 et sa thèse en 1985 : They Make Themselves: Life Cycle, Domestic Cycle, and Ritual Among the Baining , mais on peut encore citer George Corbin et son séjour en 1972-1973 parmi les Chachet
et Karl Hesse qui fut missionnaire de 1966 et 1975 en territoire Chachet, et son ouvrage traduit en anglais, entre autres, Baining Life and Lore de 1981.
Chez les Baining, on distingue les masques de jour et les masques de nuit. Les masques de jour sont assez complexes, mal connus.
Les collections publiques comportent essentiellement des masques de nuit (Kavat et Vungvung) qui sont impressionnants. Les masques sont généralement décorés de motifs liés au végétal en rouge et noir sur un tissu d'écorce blanc. Les hommes initiés devaient mâcher longuement des feuille afin d’en tirer du pigment.
On peut considérer qu'ils produisaient du pigment à l'image de la Nature qui produit une plante. Par ce geste, ils transformaient donc symboliquement des éléments du règne végétal afin de les faire rentrer dans le champ du social.
Jane Fajans a apporté beaucoup sur le sujet.
Ce qui a effectivement décontenancé les premiers ethnologues occidentaux, c'est que les apparitions des masques Baining n'étaient pas liés à des moments précis de la vie sociale : il ne sortaient pas au moment d'initiations, ni lors de cérémonies funéraires, ni lors de fêtes de récoltes.... Plusieurs villages se réunissaient, ouvraient des jardins et apportaient de la nourriture pour assister à la fête. Les masques apparaissaient.
La nuit, la danse laisse la place à des masques fantasmagoriques qui surgissent de la forêt afin de sauter au-dessus d'un feu et envoyer des étincelles en direction des spectateurs. Ils disparaissent tout aussi vite. Ce spectacle se fait au son d'un choeur de chanteurs accompagnés d'une musique rapide et répétitive. C'est ce que l'on peut voir de nos jours à l'occasion de danses organisées dans des villages pour des touristes, occasions hybrides où doivent probablement se jouer des enjeux politiques entre clans, entre partisans de la tradition et autres, questions qui nous échappent, bien sûr. (cf. photo ci-dessus).
Photo 1 : in Hesse K., 1979, Baining Dances.
Photo 2 : in Corbin G. A., 1979, « The Art of the Baining » in Exploring the visual art of Oceania, Mead S.
Photo 3 de l'auteure, août 2018.
Commentaires