J'ai lu des écrits d'ethnologues sur différentes cultures de par le monde, tentant de tordre ma pensée pour essayer de percevoir le pourquoi, le comment de certains rituels ; mais bien sûr en vain. Difficile de tuer la rigidité au profit d'une disponibilité totale pas simplement d'esprit mais aussi de corps ; une sorte de disponibilité animale que nous n'expérimentons pas ou plus.
On peut choisir de se vautrer dans les "ismes" dont l'anthropologie est friande, et dont on sait maintenant en faire surgir de nouveaux en les associant à des adjectifs lourds de sens : véganisme ontologique, animalisme écologique...
Il existe cependant, une littérature, qui ouvre une autre voie : celle, où la sensation nourrie par une grande érudition qui a su s'effacer dans les mots, nous emporte dans la pâte des choses.
C'est ce que j'ai découvert à travers deux romans forts différents :
Juan José Saer nous entraîne avec L'ancêtre, à l'époque de la conquête espagnole en Amérique du Sud. Pas de grandes batailles, mais une plongée dans le quotidien d'une société indienne cannibale, vécu par un jeune mousse qu'ils "adoptent" puis relâchent. Au soir de sa vie, ce dernier raconte...
"Menacés par ce qui nous régit du fond de l'obscur et qui nous maintient à l'air libre jusqu'au jour où, d'un geste subit capricieux, il nous rend à l'indistinct, ils voulaient que de leur passage à travers ce mirage restât un témoin et un survivant qui fût, à la face du monde, leur narrateur."
Un tout autre univers, celui de De pierre et d'os de Bérengère Cournut, nous plonge au sein de familles inuit. Uqsuralik, l'héroïne, ne mène pas un simple combat contre des évènements tragiques et des éléments hostiles mais évolue dans un tout où animaux, esprits, humains animent un monde. Là où nous ne voyons que désert blanc, se joue un tissu d'évènements enchevêtrés qui appartiennent à un même ensemble impossible à appréhender si nous voulons rendre explicable chacune de ses composantes séparément.
"Durant ma longue vie d'Inuit, j'ai appris que le pouvoir est quelque chose de silencieux. Quelque chose que l'on reçoit et qui - comme les chants, les enfants - nous traverse. Et qu'on doit ensuite laisser courir."
Photo 1 : Le Sombre Malembo, Dieu du carrefour de Wifredo Lam, 1943. Photo de l'auteure, exposition Lam, Centre Pompidou, octobre 2015.
Photo 2 :"Amercia Tertia Pars", gravure de Théodore de Bry, 1592, Biblioteca Mário de Andrade São Paulo, Brazil.
Photo 3 : Portrait de Magito, jeune Inuit de Netsilik, Nunavut/Canada, anonyme, 1903-1905, © T.D.R., Bibliothèque nationale de Norvège.
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