En attendant de pouvoir visiter certains villages de Nias, et parler plus avant de l'habitat et des mégalithes, revenons vers un objet bien particulier de l'ancienne tradition niassienne qu'est le
ballatu sebua ou
balato, à savoir cette épée dont le manche et le fourreau sont peu communs et que nous voyons apparaître sur les premières photographies posées faites par les Néerlandais.
L'épée n'est pas le seul élément remarquable dans ces tenues de guerriers, et on peut admirer au passage, les cuirasses faites en métal ou peau, les heaumes richement décorés, les colliers
calabubu où des anneaux de noix de coco sont enfilés sur un fil de laiton ou de cuivre et les élégants boucliers en forme de feuilles de bananier.
Les sociétés de Nias (avec de grandes différences entre les régions Nord, Centre et Sud) étaient des sociétés guerrières et différents types de couteaux, sabres et épées étaient réalisés.
L'objet qui nous intéresse ici est le sabre cérémoniel des coupeurs de tête (
balatu sebua ou
balato) qui possède une longue lame. Sa poignée figure généralement la tête ou à la bouche d'un animal, une sorte de dragon nommé
lasara, un animal hybride représenté sur de nombreuses sculptures ou objets. Ainsi, y distingue-t-on une gueule ouverte, flanquée de canines (référence au sanglier ou au phacochère), tirant une langue (évoquant le varan ou le serpent). S'y ajoutent parfois des petites cornes (semblables à celles de cerfs), un cou aux motifs d'écailles ou de feuilles de fougères parfois orné du
calabubu.
Cependant, la poignée n'est pas la seule partie étonnante dans ces épées ; c'est le fourreau qui intrigue. Fermé par des lamelles de cuivre, il est, pour les nobles et chefs du Sud de l'île, assorti d'une boule réalisée avec du rotang et des dents d'animaux et emplie d'amulettes de toutes sortes.
Comme la tête de la poignée, cette boule a fonction de protection.
Objets très importants aux yeux de leur propriétaire, ils ne s'en défaisaient pas. Parfois enfermés dans des coffres, il n'était pas question de vendre ces épées. On en trouve cependant sur le marché de l'art. Outre celles anciennes qui ont tout de même été cédées, il semble qu'à partir des années 1970 ou peut-être avant, des
balato de ont été réalisés simplement pour les touristes.
Alain Viaro a consacré un très intéressant article en 2001 sur les épées cérémonielles in
Arts et Cultures 3, Musée Barbier-Mueller, P. 150-171.
Téléchargeable en anglais.
Photo 1 : Guerriers de Nias © Christiaan Benjamin Nieuwenhuis, c.a. 1900, TropenMuseum TM-60042492.
Photo 2 : Guerriers de Nias vers 1920, photographe inconnu, Wereldmuseum RV-A40-1-12
Photo 3 : Détail d'un balato © Sotheby's 2014, ex. coll. Frum
Photo 4 : Détail d'un balato © MQB 70.2001.27.325.1-2
Photo 5 : Balato © MQB 71.1939.127.10.1-2
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