J'ai découvert ces photographies de Nias des années 1925-27 au musée de Gunung Sitoli, étonnée que les oeuvres d'un photographe chinois se soient retrouvées au Danemark ! C'était oublier un article de Jesper Kurt-Nielsen paru dans l'excellent site Art of the Ancestors daté de mai 2021 : "L'homme qui ne voulait pas être poli" repris et étoffé dans Art Tribal 101 de l'automne 2021. Le comble de l'horreur fut de découvrir que j'avais même écrit une petite note à ce sujet en 2021 : Agner Møller assorti d'une vidéo passionnante réalisée par Tribal Art Fair Amsterdam.
Bref, j'aurai du me souvenir de ce médecin militaire, Agner Møller, qui arrive à Nias en 1923, se met à collecter des objets dont 850 d'entre eux se trouvent maintenant à Copenhague, et embauche un mystérieux Chinois appelé Ho Teng Lin dont on ne sait rien, dont on a aucun portrait et qui fit des merveilles avec un appareil photographique des plus basiques !
Pour cause de pluies torrentielles et par la suite, de manque de temps, je n'ai pu me rendre à HiliMondregeraja qui est tant représenté sur les photographies de Ho Teng Lin ! Restons donc sur le noir et blanc envoûtant de ces images anciennes.
Photo 1 : Hoenodanomo à Bawao Dobara, 1925, photo Ho Teng Lin Photo 2 : L'ancien chef chasseur du village de Kampong Lagoedi avec son héritier, photo Ho Teng Lin Photo 3 : Guerriers à HiliMondregeraja 1927, photo Ho Teng Lin Photo 4 : Intérieur d'une Omo Sebua à HiliMondregeraja 1927, photo Ho Teng Lin Photo 5 : Guerriers en tenue traditionnelle à HiliMondregeraja 1927, photo Ho Teng Lin
Au hasard des routes, des expositions assez confidentielles autour du Pacifique. Celle de Nevers nous entraîne dans un voyage autour du monde à bord de LaZélée, la corvette qui accompagnait L'Astrolabe dans l’expédition de Dumont d’Urville 1837-1840. Charles-Hector Jacquinot et son demi-frère Honoré Jacquinot étaient nivernais et avaient pour fonction respectivement, celle de capitaine de la corvette, et celle de chirurgien de marine, à la base un botaniste et zoologiste de formation ! Direction l’Antarctique !
À Rochefort, c'est l'histoire de Narcisse Pelletier qui est mise à l'honneur puisque 2024 constitue les 180 ans de sa naissance et les 130 ans de sa mort. Celle-ci est illustrée des dessins et aquarelles de l’historien Thomas Duranteau.
Enfin, une brève exposition initiée par Nicolas Py, (30 août - 11 septembre 2024) à Herbignac, présente une quinzaine d'objets provenant du continent océanien autour de la thématique du voyage.
Une passionnante exposition vient d'ouvrir à l’Atelier Martine Aublet (Musée du Quai Branly-Jacques Chirac) et ce jusqu'au 13 octobre prochain. Elle rend compte de populations méconnues car occultées par "l'épopée" de Christophe Colomb que sont les Taïnos, dans les Grandes Antilles, et les Kalinagos, dans les Petites Antilles, deux sociétés autochtones qui peuplaient les Caraïbes. Son commissaire André Delpuech, avait déjà eu la gentillesse de nous présenter au sein de l'association Détours des Mondes ces sociétés amérindiennes de la mer des Caraïbes qui furent en première ligne à subir la conquête européenne.
Elle veut aussi commémorer la première exposition « L’art des sculpteurs taïnos » présentée au Petit Palais il y a 30 ans, à l’initiative de Jacques Chirac, alors maire de Paris, et avec le collectionneur et marchand d’art Jacques Kerchache comme commissaire.
Parmi les objets étonnants des Taïnos, on connaît ces pierres à trois pointes ou trigonolithes sur lesquels nous n'avons que quelques interprétations essentiellement liées à la fertilité. De fait, très peu de témoignages nous sont parvenus et on cherche toujours l'original du manuscrit de Ramon Pané, un "pauvre ermite de l'ordre de Saint Jérôme" castillan qui a participé au deuxième voyage de Christophe Colomb, et a débarqué sur l'île d'Hispaniola au tout début de l'année 1494. Il existe bien une version italienne du texte de Pané, publiée en 1571 à Venise, donc près d'un siècle plus tard et qui a donné lieu à de multiples spéculations.
Parmi les rites encore mystérieux, il y a bien sûr les jeux de balle chez les Taïnos qui nous laissent pour témoignages ces imposants jougs ou colliers et pierre, mais aussi le rituel de la cohoba durant lequel les hauts dignitaires (les caciques) et les chamans participaient. Après un jeûne prolongé et des vomissemnets volontaires (d'où la présence de ces spatules vomitives ouvragées), ils inhalaient une poudre à partir d'une plante aux propriétés hallucinatoires. Grâce à elle, ils obtenaient la marche à suivre sur les récoltes, la guerre ou encore des conseils thérapeutiques.
Une passionnante exposition vient de s'ouvrir au musée du Nouveau Monde de La Rochelle et ce jusqu'au 28 novembre.
60 œuvres y sont présentées, issues principalement des collections du Musée royal de l’Afrique centrale, et de prêts publics et privés. Julien Volper, conservateur en charge des collections ethnographiques au MRAC de Tervuren, est le commissaire de cette exposition.
Les populations Kongo vivant sur un territoire largement ouvert sur l'Atlantique ont très tôt connu le commerce avec les Européens (et plus tragiquement aussi le commerce des esclaves). Des "factoreries" se sont rapidement implantées et des objets manufacturés européens ont donc circulé. Les thématiques de l'exposition souhaitent ainsi montrer les différentes influences de ces commerces (hommes et objets) sur l'artisanat et l'art des Kongos.
Qui sont les Kongo ?
"Les Kongo forment un ensemble de peuples vivant dans les actuels pays que sont la République Démocratique du Congo (ancienne colonie belge et ancienne propriété étatique du souverain Léopold II), la République du Congo et le Gabon (anciennes colonies françaises), ainsi que l’Angola (ancienne colonie portugaise).
Il existe une unité linguistique et culturelle kongo qui n’empêche pas des particularismes propres à chaque peuple relevant de cet ensemble. L’ancien royaume Kongo, qui était situé à cheval entre l’Angola et la République Démocratique du Congo et dont la capitale était Mbanza-Kongo (São Salvador), fut en contact avec les Portugais dès la fin du 15e siècle. Par la suite, d’autres entités politiques kongo d’importance situées au Cabinda et en République du Congo entrèrent en contact avec les Européens : il s’agit ici des royaumes de Loango, de Kakongo et de Ngoyo". Extrait sur le site du musée du Nouveau Monde
Il ne reste plus que quelques jours pour découvrir la magnifique exposition du Musée de l'Homme : Préhistomania. Dès l'entrée, nous plongeons dans la beauté et le mystère des relevés opérés dans des grottes du monde entier.
Ce sont d'abord les peintures de San, dans le sud de l'Afrique, qui nous donnent à contempler des personnages longilignes, souvent occupés à des actions dont nous peinons à comprendre le sens. Telle est, ci-après, cette scène énigmatique intitulée Cérémonie de la pluie avec éclair.
La figuration humaine a la primauté en ce début de parcours. Du Tassili N'Ajjer du sud de l'Algérie, nous retrouvons les relevés d'Henri Lothe, connus par leurs personnages aux têtes rondes et parmi eux, le célèbre grand dieu aux orantes.
Ou encore dans l'Ennedi, des personnages richement vêtus et parés, comme des dames sortant d'une salle de bal, qui ornent les relevés de Gérard Bailloud, réalisés plus tard, dans les années 1956-57.
Mais les études sur l'art rupestre sont loin de se limiter à l'Afrique et nous retrouvons de magnifiques relevés provenant de Papouasie occidentale dans un enchevêtrement de mains et de pieds mais aussi de formes anthropozoomorphes qui stimulent notre imaginaire.
La partie suivante de l'exposition met en scènes les réalisations des relevés sur les sites en suivant les missions de Frobenius, de l'Abbé Breuil, ou encore de Lhote et Bailloud.
Puis on s'achemine vers la reconstitution des premières expositions qui mêlent historique et art moderne et qui ont propulsé la vision artistique de ces relevés vers le grand public. C'est d'abord le tandem Paul Rivet - Georges Henri Rivière qui ont mené une active politique d'expositions temporaires au Musée d’ethnographie pendant ce qu'on a appelé "le moment du Trocadéro".
En 1933, ils font découvrir les relevés d'art préhistorique. Puis en 1937, c'est Alfred Barr, directeur du MoMA, qui choisit de les présenter accompagnés d’oeuvres modernes.
L'art rupestre dialogue alors avec l'art des avant-gardistes !
On pourra en juger avec le rapprochement du relevé du Gisant avec masques à cornes (Zimbabwe 1929) avec Canaïma, oeuvre de Wilfredo Lam (1947).
L'exposition, très riche visuellement, expose de nombreux documents soulevant des questionnements scientifiques et historiques. On trouvera des informations complémentaires dans le dossier de presse.
On se souvient probablement de la belle exposition L'éclat des ombres présentée au musée du Quai Branly fin 2014 ou, plus éloignée encore, celle du Musée Dapper intitulée L'art d'être un homme qui s'est tenue entre octobre 2009 et juillet 2010.
Elles ont eu en commun de nous faire découvrir cette sculpture en provenance de l'île de Santa Ana (Owa Raha) dans l'archipel des Salomon. Cet objet était encore bien connu de très anciens Parisiens puisqu'il avait été présenté par Charles Ratton lors de L'exposition surréaliste d'objets de 1936, une photo attestant de sa présence dans le jardin de la galerie :
Il s'agit d'un poteau de hangar à pirogues de Santa Ana. Celui-ci, ainsi que le très célèbre figurant un couple exposé au Pavillon des Sessions, a très probablement été acheté sur place par Hugo Adolf Bernatzik durant son séjour de 1932 chez Heinrich Küper. Les deux poteaux furent du reste raccourcis à Paris par Ratton.
Heinrich Küper était un ancien militaire déserteur allemand qui vécut entre 1910 et 1950 à Gupuna sur Santa Ana. Il faut lire l'excellent article de Sandra Revolon : Heinrich Küper : le Blanc dont on parle à mi-voix, pour se faire une idée sur ce personnage qui a réussi à prendre un terrible ascendant sur les populations locales ! La photographie ci-dessus, prise par Eugen Paravicini, ethnologue devenu conservateur au musée de Bâle, entre 1927 et 1928, atteste de la présence du poteau dans le jardin de Küper.
Quant à l'emplacement initial du poteau, on en sait encore plus grâce à une photographie de Martin Johnson (ci-dessus) qui a accompagné Jack London dans son périple dans les mers du sud et qui date de 1908.
On pourrait encore en dire davantage sur cet extraordinaire objet, probable représentation d'un Ataro, être divin maître des éléments marins. Il faudrait pour cela analyser ses riches parures et sa place dans une maison cérémonielle, lieu tabou par excellence où se mêlaient la conservation des pirogues pour la pêche à la bonite et celle des reliquaires aux crânes de défunts, mais aussi hangar sacré pour les initiations des jeunes garçons.
Tout cela nous a été raconté avec passion par Isabelle Tassignon, conservatrice des collections d'archéologie et d'ethnologie à la Fondation Gandur pour l'Art, qui est intervenue jeudi dernier à la Galerie Meyer Oceanic & Eskimo Art.
On retrouvera dans l'article d'Isabelle Tassignon : Le géant des terribles Salomon de nombreuses précisions sur le poteau et on découvrira à l'occasion les autres oeuvres de cette collection genevoise.
La conférence est maintenant en ligne sur le site de la Galerie Meyer :
Cette photographie est la seule illustration de l'exposition temporaire que l'on trouve sur le site de l'AfricaMuseum de Tervuren où elle se tient jusqu'au 29 septembre prochain.
La note d'intention de l'exposition est claire et dictée par le directeur du musée : « Nous voulons savoir beaucoup mieux quelle est l’origine des objets et si l’on peut établir qu’ils ont été obtenus par un vol, par de la violence, par de la manipulation » en résonance avec une loi promulguée en 2022 en Belgique visant à la restitutions des biens spoliés entre 1885 et 1960.
Une recherche de provenance légitime, mais dont la systématisation actuelle et son utilisation s'effectuent dans un contexte unique de contrition saturant de nombreux débats sociaux et politiques :
En exposant ces oeuvres, les originaux ou leurs copies (pourquoi pas), et en les donnant à contempler sans les noyer dans un discours de repentance sans fin, on met en avant la créativité et le génie de certains artistes (dont il faut naturellement rechercher les noms et les ateliers), et on les érige en ambassadeurs de cultures africaines plus ou moins connues. Il n'est nul besoin de se vautrer dans une culpabilité stérile dont le curseur, à géométrie variable, est fixé selon l'intensité de la repentance coloniale qu'émet l’opinion publique du moment.
Le souhait d’un retour d’œuvres africaines vers l’Afrique est naturellement légitime bien qu’il pose des questions de fond et de forme. Suivons en ce sens une idée évoquée par Julien Volper : « Plutôt qu’une politique de restitution qui suit simplement la mode du moment, la Belgique ne devrait-elle pas créer une antenne de l’AfricaMusem, un « Tervuren-Kinshasa » sur le modèle du Louvre-Abou Dhabi, en formant un personnel congolais (gardiens, conservateurs, restaurateurs,…) rémunéré aux mêmes salaires que ceux qui prévalent chez nous? Cela garantirait un transfert aller-retour régulier et sécurisé des collections, une visibilité des œuvres dans les deux pays et un partenariat de long terme ».
Les musées d'ethnographie vont mal à notre époque concernée par le contexte "anthropocène" et les processus "décoloniaux". Certes, il faut tout repenser, de l’accrochage ordinaire aux expositions afin de constituer de véritables musées de restitution des connaissances et de débats publics.
Certains musées réussissent mieux que d'autres. Pour ces derniers, leurs expositions temporaires semblent se borner à ne questionner que les faces "terribles" de notre société et paradoxalement elles ne donnent à voir qu'un grand vide parsemé de quelques œuvres perdues au milieu de panneaux de textes qui, eux, nous gavent de prêt-à-penser.
Entre autres, un petit bol d'air à méditer :
Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux !
Le musée du Quai Branly souhaite, dans sa dernière exposition, rendre compte des relations entre images hallucinatoires et productions iconographiques, à partir du cas de l’ayahuasca, une préparation hallucinogène à base de lianes, originaire d'Amérique du Sud. Un défi que de "donner à voir" des visions chamaniques à partir d'objets, de peintures, de vidéos ! Et c'est assez bien réussi.
L'exposition est ainsi truffée de nombreuses projections qui nous entraînent dans "d'autres" mondes, dont la brève expérience de réalité virtuelle proposée, une intéressante invitation au voyage à ne pas rater.
De la même manière, on notera les différents supports que nous permet d'appréhender le réalisateur Jan Kounen dans cette exposition. Ainsi, ce bel extrait de Blueberry, l’expérience secrète (2004) :
Pas étonnant de retrouver ces deux là unis dans une même exposition actuellement au musée de l'Orangerie et jusqu'au 15 janvier. De prime abord, sont des légendes, ainsi que le Paris du début du 20è siècle, véritable creuset pour les avant-gardes artistiques qu'ils incarnent, d'une certaine manière. Mais aussi parce qu'ils ont été étroitement liés.
La rencontre date de 1914, grâce au poète Max Jacob, dit-on. Paul Guillaume deviendra le marchand d’Amedeo Modigliani, partageant avec lui des affinités artistiques, littéraires, et notamment un intérêt commun pour l'art africain.
On notera une Journée d’étude le Vendredi 1er décembre 2023 qui s'annonce passionnante à l'auditorium du musée d’Orsay : Modigliani et le marché de l’art parisien (1900-1939), dont une intervention de Maureen Murphy, historienne de l’art, professeure d’art contemporain, université Paris 10 Nanterre à 14h30 : De l’inclusion des arts d’Afrique au marché de l’art des années 1910.
Dans une suite somme toute logique, c'est à "un dialogue avec l'invisible" que nous sommes conviés à travers la nouvelle exposition intitulée Chamanes. Cette très belle présentation propose 150 objets ethnographiques et œuvres d’art provenant des cinq continents. La plupart des objets ont été utilisés ou créés par des chamanes, dans un contexte traditionnel ; d'autres oeuvres, contemporaines et inuit pour la plupart ont été créées par des artistes autochtones.
Ainsi se côtoyent masque Tsimshian, chaussons ayant appartenu à Djandull Khan, dernier chamane des Kalash,ou encore de merveilleuses petites figurines d'Alaska.
Le parcours se termine par une invitation à pénétrer dans la tente sombre ; "La tente sombre fait en effet expérimenter sur un mode public une relation aux personnes non humaines marquée par la socialité, la confiance et la coopération, qui est reproduite en privé par chaque chasseur dans ses expériences oniriques. En ce sens, on pourrait dire que la tente représente une sorte d’antichambre du rêve, un lieu où les chasseurs apprennent ensemble à rêver."Charles Stépanoff.
Il faut prendre le temps de s'y installer.
Signalons parmi les manifestations autour de l'exposition, une conférence de Jean-Yves Loude (qui nous avait fait l'honneur de venir nous entretenir des Kalash en janvier dernier à l'association) « Les Kalash du Pakistan : un voyage en terre chamanique », le Lundi 6 novembre 2023 à 15h à la Salle Stanislas (Cannes).
Pour en savoir plus
Après Désir d’art, la collection africaine Ewa et Yves Develon, une magnifique exposition présentée en 2019 par le musée des Confluences de Lyon, ce dernier récidive avec Afrique, mille vie d'objets. Celle-ci nous donne à voir, dans une autre muséographie et avec plus d'envergure (230 objets), les pièces des donations Develon, en insistant sur les masques et les statues du Nigeria, choisis pour certaines avec beaucoup d'originalité.
Photo 1 : Vue de l'exposition Afrique, mille vie d'objets, musée des Confluences, photo de l'autrice, juin 2023. Photo 2 : Cimier Igala ou Bassa Nge, Nigeria, basse vallée de la Benue, photo de l'autrice, juin 2023. Photo 3 : Masque heaume Epa ou Elefon, Yoruba, Nigeria, photo de l'autrice, juin 2023. Photo 4 : Statuette de Guinée équatoriale (?), photo de l'autrice, juin 2023.
J’aime ces intérieurs dérangés qui reflètent l’intérieur de l’âme de leur propriétaire, non pas celle d’une personne qui aurait perdu la raison, loin de là, mais d’un passionné éclectique pour qui "l’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui". Jean Chatelus était agrégé d’histoire et maitre de conférences à la Sorbonne.
Aujourd'hui, c'est la Fondation Antoine de Galbert qui donne l'ensemble de sa collection au Centre Pompidou, soit près de 400 œuvres qui avaient été léguées au décès du collectionneur à la Fondation.
Les sept sœurs de la mythologie grecque étaient Maïa, Alcyone, Astérope, Céléno, Taygète, Électre et Mérope, enfants d’Atlas et de Pléioné, la divinité protectrice des marins. Pourchassées par le chasseur Orion, tombé sous leur charme, les sept soeurs furent délivrées de sa traque incessante par Zeus, qui les changea en colombes et elles prirent leur envol. Chaque soir, on peut les revoir sous la forme de l'amas des Pleiades, si reconnaissable près de la constellation d'Orion.
De tous temps, les Pléiades ont servi de point de repère, aux marins pour naviguer, aux agriculteurs pour déterminer le moment des semailles et des moissons... et ont suscité des légendes, des sagas que les générations se transmettent.
En Australie, les sept soeurs sont victimes de la poursuite sans relâche d'un sorcier, une saga qui se décline tout au long des territoires aborigènes du centre et de l’ouest du pays, laissant ses traces dans le paysage.
Au musée du Quai Branly et jusqu'au 2 juillet on peut voir "Songlines. Chant des pistes du désert australien", une exposition itinérante produite par le National Museum of Australia avec le soutien des gardiens traditionnels de la Loi et des savoirs aborigènes sur l’histoire des Sept Sœurs.
Une multitude de peintures représente ces récits de création et nous invite à partager ces parcours. Une très belle exposition !
L'exposition Carnets Kanak voit enfin le jour au musée du Quai Branly - Jacques Chirac en dévoilant les dessins aquarellés de Roger Boulay qui accompagnent l'histoire de la mission d'inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD) réalisée entre 2011 et 2015. Je l'avais évoqué il y a un an dans cette note. La vidéo ci-dessous rend compte de cette belle présentation et du travail d'inventaire réalisé :
Il est tentant d'associer formellement des oeuvres de Jean-Michel Basquiat et des statues Nkisi Nkonde de la République démocratique du Congo, celles que l'on a appelé longtemps "Fétiches à clous", tant l'agressivité marque les deux univers au travers de figures percées de pointes. Le rapprochement s'arrête là. Les origines haïtienne et portoricaine de Basquiat l'ont certainement conduit à s'intéresser à l'histoire et aux traditions de la diaspora africaine, puis à approfondir cet intérêt avec l'anthropologue Robert Farris Thompson.
Il en résulte, dans la somptueuse Galerie Gradiva, une exposition superbe qui réunit une vingtaine de statues provenant pour la plupart du MRAC Tervuren, selon les choix de Julien Volper, conservateur en charge des collections ethnographiques au musée, et de Bernard Dulon, expert en arts anciens d’Afrique.
L'été est passé et je m'aperçois avoir omis de parler de cette belle exposition, maintenant terminée : Visages de l'exploration au XIXème siècle, du mythe à l'histoire qui s'est tenue sur le site François-Mitterrand de la BnF. Montée à l'occasion du bicentenaire de la Société de géographie, l'exposition a présenté divers objets : carnets de notes, cartes et photographies, instruments de mesure, objets collectés sur le terrain... qui ont appartenu à différents explorateurs connus ou méconnus du XIXème siècle.
La pluralité des genres et des continents visités a donné naissance à un parcours plaisant et érudit, une scénographie originale adaptée à petits et grands pour pouvoir découvrir "un géographe parisien dans son cabinet de travail, se retrouver au cœur d’un campement d’explorateur au milieu du Sahara, retrouver l’atmosphère d’une exposition ethnographique d’objets sibériens, ou même assister à une conférence-projection comme un membre de la Société de géographie". Un beau catalogue permet de garder trace de cette intéressante présentation.
Photo 1 : Capture d'écran site BNF. Photo 2 : de l'auteur dans l'exposition.
Une invitation au voyage vers la Polynésie nous est proposée par l'exposition du musée de la Castre à Cannes (rebaptisé Musée des explorations du monde). Elle s'appuie sur le personnage d'Edmond Ginoux de la Coche, un journaliste qui débarque en Polynésie dans les années 1840. Du Petit-Thouars a annexé les îles Marquises en 1842, et c'est dans ce contexte mouvementé qu'arrive Edmond. D'abord missionné pour faire des études de géologie, de zoologie et de botanique, il voyage en 1843 avec le nouveau gouverneur de l’Océanie française, Armand Joseph Bruat, qui va lui confier la création du premier journal de l’Océanie française. Il partage son temps entre Marquises et Tahiti et rentre en France en 1845.
Il reviendra en 1847 accompagné de l'illustratrice Adèle de Dombasle. En 1850 il est à Paris ayant rapporté environ 500 objets océaniens et américains, et fonde le "Musée Ginoux". Il passera les années suivantes, jusqu'à sa mort en 1866, à rédiger son Catalogue raisonné des objets ethnographiques composant ma collection.
1874 : Adèle de Dombasle, qui a recueilli la collection au décès d'Edmond, ne peut poursuivre le projet de musée et vend la collection au baron Lycklama.
Ce Tinco Martinus Lycklama est un aristocrate hollandais, voyageur et archéologue. En 1872, il s'installera à Cannes et fera don de sa collection à la ville en 1877.
Le musée ne présente pas uniquement une collection océanienne. En 1973, il a acquis 29 objets Inuit de la collection Gontran de Poncins. Ce dernier était un écrivain qui a voyagé dans les années 1938/39 pendant 13 mois dans le Grand Nord canadien en compagnie des Inuit Netsilik. Cette collection s'est enrichie depuis. Notons encore une collection Himalaya-Tibet comportant plus de 200 objets, une collection d'objets précolombiens, africains, une belle collection d'instruments de musiques et enfin des objets mélanésiens qui complètent la collection océanienne.
Une belle exposition se tient actuellement à la Monnaie de Paris, et ce jusqu'au 25 septembre 2022. Elle donne à voir la multitude de formes de monnaies, que ce soit de l'or, des perles, des coquillages, des plumes, des textiles... inventées de par le monde.
Pouvoir et Prestige. Art des massues du Pacifique est une exposition au musée du quai Branly – Jacques Chirac visible jusqu'au 25 septembre 2022. Massues, casse-têtes et armes traditionnelles sont exposés comme des sculptures à part entière et nous rappelle que certaines d'entre elles étaient des objets cérémoniels, des symboles d’autorité, des objets d'échange voire des réceptacles du divin au-delà de leur fonction d’armes. Spécialiste des Fidji, le commissaire de l'exposition, Steven Hooper, fait une place belle aux arts de la Polynésie. Ainsi cette massue à deux mains qui est exposée à l'entrée de l'exposition est considérée comme la plus imposante massue fidjienne répertoriée. Elle devait remplir uniquement une fonction cérémonielle, et être brandie au moment de son investiture par le nouveau chef.
Ci-après à écouter une interview de Stéphanie Leclerc-Caffarel,commissaire associée de l’exposition et responsable de collections Océanie au musée.
Une belle exposition d'art classique africain se tient actuellement au Kimbell Art Museum de Fort Worth (Texas) jusqu'au 31 juillet prochain et se poursuivra au Art Institute de Chicago à partir du 30 novembre 2022. À défaut de s'y rendre, une visite virtuelle de l'exposition est proposée sur le site du Kimbell Art Museum. Et un article très complet de Adenike Cosgrove est à lire sur le site ÌMỌ̀ DÁRA
J'évoquais avec enthousiasme la nouvelle exposition La part de l'ombre au musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Il en est de même pour Maro'ura - Un trésor polynésien. De sujet et de style différent, celle-ci fait aussi la part belle à la recherche historique afin de mieux saisir cet objet en particulier. Un parcours intelligent !
Nul besoin de commentaire supplémentaire ; il suffit de regarder la vidéo ci dessous et de lire l'article de Camille Graindorge de Casoar.
Photo : Maro'Ura, photo de l'auteure au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, exposition Maro'Ura. Un trésor polynésien.
Le musée du Quai Branly renoue avec les "petites" expositions fines, belles, intelligentes, en présentant jusqu'au 10 avril 2022 La part de l'ombre conçue par Julien Volper, conservateur au Musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren.
Le titre fait référence aux oeuvres de peuples minoritaires du Sud-Ouest congolais, souvent occultées par masques et statuaires mieux connus, plus étudiés dans la région, majoritairement en lien avec les rites d'initiation de la Mukanda.
Dans le cadre de l'exposition présentée actuellement au Stedelijk Museum Amsterdam et jusqu'au 5 décembre 2021, Kirchner et Nolde. Expressionisme. Colonialisme, un colloque se tiendra les 25 et 26 novembre prochains.
Celui-ci est intitulé Rethinking Kirchner and Nolde : On the relationship between and among the modern, contemporary, ethnographic and world museum.
Le Musée d'archéologie et d'histoire installé dans le Palais Rumine de Lausanne propose une nouvelle exposition et ce jusqu'au 3 avril 2022, intitulée Retracer la provenance. Claire Brizon que nous avions rencontrée à l'occasion de l'exposition The Exotic ? en est l'une des commissaires. Cette exposition s'inscrit dans le cadre de recherches des conditions d’acquisition des objets ethnographiques du musée.
Hier s'est ouverte au sein du Palazzio Franchetti l'exposition Puissance et prestige.L'art des bâtons du pouvoir en Océanie organisée par la Fondation Ligabue en coopération avec le Musée du quai Branly, Paris, où l'exposition aura lieu à une date ultérieure. Steven Hooper, professeur et directeur de l'unité de recherche Sainsbury pour les arts d'Afrique, d'Océanie et des Amériques, à l'Université d'East Anglia, est le commissaire de cette exposition.
Le catalogue de l'exposition sera disponible en avril 2022.
Le titre est facile, je l'avoue... mais comment ne pas réagir, tant bien même naïvement, lorsque sur le même espace d'exposition se côtoient deux présentations si antinomiques !
Là, l'exposition justement nommée "Désir d'humanité" de Barthélémy Toguo, donne à voir des corps plantés de clous respirant la souffrance que, peut-être, des intercesseurs comme les grands minkondi, ces "fétiches" à clous congolais, seraient à même de soulager, voire d'exorciser.
Puis, au détour du fond du plateau, au tournant des réserves des instruments de musiques, mais ce n'est pas le parcours prévu pour le visiteur et le choc n'en est que plus rude, un autre univers se dévoile. Il me fait songer à notre monde confiné. Beaucoup d'espaces vides. Surgissent dans ce milieu qui s'annonce aseptisé, des oeuvres pour la plupart africaines, "encapsulées", mises à distance comme il se doit en ces temps frileux, protégées des humains avec leurs miasmes et leurs défauts, leur sang pollué qui pourrait couler des clous perforant leurs chairs. Tel se présente l'espace de la la collection Marc Ladreit de Lacharière.
Et si l'on tient à s'imprégner d'une "bien-pensance" stérile, il suffit de lire, mais je le conseille, avec un brin de recul et de dérision, la notice du musée... Cela commence ainsi... Imaginé par l'architecte Jean Nouvel, l'écrin de la collection s'attache à révéler le pouvoir de présence des œuvres, en faisant le choix d'un parti pris scénographique original et poétique qui prédispose le visiteur à la contemplation. Par son format, comme par son harmonie, le parcours d'exposition permet une approche intime et privilégiée de la collection, et propose au public une expérience esthétique inédite.
Il existe heureusement d'autres voix qui existent de par le monde ; il suffit d'être vigilant. "Nul n'est poète en son pays et pourtant / J'ai vu ceux qui suent et ceux qui saignent / Devenir ceux qui sèment les mots qui soignent" Souleymane Diamanka.
Photos de l'auteure, musée du Quai Branly, juin 2021.
Voilà bien longtemps que je n'ai pas annoncé une exposition sur ce blog... et il est bien agréable de re-commencer à le faire. Le musée des Confluences de Lyon programme donc à partir du 18 juin, une exposition intitulée "Jusqu'au bout du monde, regards missionnaires". En effet, le musée possède en dépôt, depuis 1979, plus de 2000 objets appartenant aux Œuvres Pontificales Missionnaires, dont l’Œuvre de la Propagation de la Foi reste aujourd’hui encore la principale société missionnaire.
Les missions d’évangélisation se tenaient sur tous les continents, et l'exposition propose donc un tour du monde autour de l'histoire des objets collectés. On pourra en profiter pour visiter les expositions temporaires Une Afrique en couleurs et encore La Terre en héritage, du Néolithique à nous
L'accumulation de tapa et nattes présents lors de solevu ne peut que réactiver la mémoire de ce célèbre dessin réalisé par Johann Theodor Kleinschmidt, qui séjourna à Fidji de 1873 à 1878 pour le Godeffroy Museum. Ce dernier décrivit la scène à laquelle il avait assisté :
“… Le spectacle le plus impressionnant a cependant été offert deux jours plus tard par le Tui Nadrau, chef de Nadra, dans la région du cours supérieur du Singatoka (Sigatoka), et ses partisans. Ils ont passé une bonne heure à l'extérieur du village, le drapant dans quelques 600 pieds de tapa sombre. De chacune des six bandes ou plus qu'ils lui passaient autour du corps, ils suspendaient des boucles de masi (tissu d'écorce), … Une fois les cérémonies de bienvenue et le "meke" accomplis, ce tapa fut enlevé et présenté au grand chef (c'est-à-dire au gouverneur) avec des racines pour le yaqona, des cochons, des ignames, des taros et des "tambua" tabua (dents de cachalot) apportés en cadeau ou en hommage. Bien qu'il ait fallu tant de temps pour attacher le vaste volume de tapa au Tui Nadrau, il a pu s'en délester en quelques secondes…"