
Au théâtre de la Ville, lundi prochain...
ROI DE LA KORA
"Digne héritier de la caste des griots, Toumani Diabaté vivifie cet héritage en lui apportant une note contemporaine.
Toumani Diabaté est l’un des instrumentistes les plus célèbres de la tradition musicale africaine. Il est universellement reconnu comme l’un des plus grands joueurs actuels de kora, cette harpe d’Afrique de l’Ouest à 21 cordes, qu’il a fait connaître à travers le monde depuis la sortie de son premier album, Kaira, en 1987, à 21 ans. Il a remporté deux Grammy awards pour sa collaboration avec Ali Farka Touré, le légendaire « bluesman du désert » du Mali, et a collaboré également avec des artistes des cinq continents, parmi lesquels Björk, le London Symphony Orchestra, Damon Albarn of Gorillaz et Taj Mahal. Il a 10 albums solos à son actif. Sans aucun doute, Toumani a hissé la kora à un niveau supérieur de virtuosité et de création artistique, comme le révèle The Mande Variations, un album sorti en 2008.
Toumani est jeli, ce qui signifie qu’il appartient à la caste des griots, digne héritière de Mande. Ces griots, véritables artisans, font perdurer les grandes épopées orales comme celle de Sunjata Keita, fondateur de l’empire du Mali en 1235. Mais ils ont aussi adapté leur savoir au XXIe siècle, revitalisant ainsi les traditions des siècles passés. Le père de Toumani, le dernier Sidiki Diabaté – qui, bien qu’ardent traditionaliste, fut également un pionnier dans l’art de la kora moderne – fut récompen- sé de l’Ordre national de Guinée et du Mali dans les années 1970.
Il porte en lui cet héritage et ajoute aussi une approche contemporaine aux grands classiques du répertoire de la kora, comme Kaira, que son père fut le premier à populariser.
Sur scène, Toumani sera accompagné par le Trio Da Kali, trois musiciens maliens hors pair qui, comme lui, sont issus d’une longue lignée de griots reconnus. C’est un trio récemment constitué, bien que ses membres soient tous musiciens professionnels et qu’ils se connaissent depuis longtemps. Le trio a fait ses débuts en concert en août 2013 lors de la première du festival de musique classique The Proms (Grande Bretagne) où il a été encensé par la critique.
Cette formation originale combine voix, basse (luth à quatre cordes) et balafon (xylo- phone à 22 clés en bois de rose). Il tire son nom de l’un des chants sacrés les plus anciens et les plus emblématiques du répertoire griot, composé il y a bien des siècles. Da Kali signifie « prêter serment » : l’engagement des griots pour leur art.
Le Trio nous emporte aux sources même de la tradition griotte, l’une des cultures musicales du continent africain les plus raffinées et les plus subtiles. Il reflète l’intégrité et l’âme de l’art du griot avant qu’il ne soit confronté à l’industrie musicale globale et à la technologie électronique ; il recrée les sonorités du Mali du milieu du XXe siècle, une période de forte transition.
Le Trio ranime les chemins les plus anciens et les plus classiques du répertoire griot et interprète également des compositions de l’ère pré-coloniale célèbres mais largement oubliés, comme Lila Bambo. Il ajoute avec subtilité une touche contemporaine et inventive à leur musique et compose de nouvelles chansons, comme Ladilikan (chanson de conseil).
Originaire de Guinée, Fodé Lassana Diabaté, directeur musical du groupe, est un virtuose du balafon (xylophone à 22 clés). Le balafon est un instrument qui date au moins du XIIIe, période de la fondation de l’Empire du Mali. Mamadou Kouyaté est l’aîné de l’enchanteur du ngoni, Bassekou Kouyaté, et, à tout juste 23 ans, ajoute au répertoire la fulgu- rance d’une nouvelle génération de jeunes griots maliens. La pureté du vibrato de Hawa Kassé Mady, hérité de son père, le légendaire Kasse Mady Diabaté, est absolument cruciale au sein du Trio. Hawa a grandi à Kela, village historique de l’ouest du Mali là où ont été créées quelques-unes des musiques les plus raffinées du pays. La tradition de Kela se compose d’anciens chants de labour comme Namanike, entonnés pour encourager les paysans dans le travail des champs, et des chansons comme Guede, louange aux valeureux héros du passé".
Texte écrit par Lucy Duran Université de Londres (Centre d’études orientales et africaines)